La Flotte Lagide ( 305 - 30 av.jc )

Une Pentère Lagide, à qui avait appartenu peut-être le Rostre d'Ahlit*.

L'illustration appelle quelques commentaires: Il s'agit d'une Pentère "légère" aux normes Romaines, de construction Rhodienne, mais portant des éléments décoratifs puisés dans le patrimoine stylistique Égyptien. La fleur de lotus en figure de poupe et la figure de proue rappelle celle des anciens Keftions. La décoration reste sobre, bien que plus raffinée que celle des navires Macédoniens. Les ponts sont largement ouverts, à la mode grecque, pour le confort des rameurs. Ceci à un corollaire, le manque de place pour les épibates, frondeurs, et armes de jet embarquées. Le Rostre visible à l'avant est la "mise en condition" du rostre d'Ahlit, découvert près de la ville du même nom sur la côte Israélienne en 1980 est une découverte majeure pour l'archéologie maritime: Conservé en très bon état, cette massive pièce de bronze coulée pèse 465 Kilos pour 2,26 mètres. Il fut plein d'enseignements sur la façon de concevoir les coques à une époque ou l'éperonnage était encore une technique reine. La Pentère n'était pas l'unité préférée des Lagides, qui les préférait les Trières et Tétrères, ou à contrario des unités bien plus lourdes.

Une Octère Lagide, flotte de cléopâtre VII, Bataille d'Actium, 31 av.JC..

Les Octères (ou Hoctères?) étaient plus souvent utilisées que les Heptères par les Lagides. Avec des dimensions légèrement supérieures, et surtout un pont fermé complet, l'octère pouvait embarquer un armement de jet considérable et un grand nombre de fantassins. La Quinquérème Romaine en possédait 120, et les Heptères et Octères probablement plus de 160. La massivité de ce navire saute aux yeux: Avec 52 mètres de long pour 7,60 m de large (et seulement 5,50 m à la flottaison), il s'agissait d'un navire très étroit ( toujours pour la vitesse ), mais avec un tirant d'eau de seulement 1,40 m, assez instable en roulis, ce que des tonnes de pierres embarquées palliaient en partie. Les tours d'archers n'étaient pas une caractéristique proprement Romaine. Bien que redoutables dans des techniques classiques d'éperonnage Rostre contre rostre ( le Diekplous ), ces éléphants des mers furent totalement inefficaces en face des maniables Liburnes Romaines à Actium qui les encerclèrent et empêchèrent leurs évolutions. Il n'empêche que l'effet de choc d'une telle masse associée à un rostre dont la forme avait été dictée par des siècles d'empirisme, devait être redoutable.

Une des deux "30" de Ptolémée III Evergète ( 246-221 ).

Cette typique "Hyper-galère" était symptomatique de la course aux armements initiée entre Ptolémée II et Antigonos Gonatas, qui culmina avec ces deux unités géantes, les plus grosses galères opérationnelles jamais construites. Contrairement à la "20" construite plus tôt et pourtant plus raisonnable, elles furent considérées comme efficaces. Seule l'Égypte et ses ressources inépuisables pouvaient financer la construction de tels géants, construits à Alexandrie ou à Chypre. Énigme pour les historiens qui crurent ( peu de temps ) avoir affaire à une galère à ...30 niveaux de rames?, elle était plus probablement propulsée par 3 rangs de rameurs avec 10 rameurs par banc au maximum ( par analogie avec la Tettakontère ), mais la longueur décroissante des avirons plaide pour une répartition 11/10/8 rameurs, ou bien plus probablement 4 rangs de rames desservis par 9 Thranites, 8 Zygites ( ou "Zeugites" ), 7 Thalamites et 6 "sous-Thalamites". La Tettakontère construite par Ptolémée Philopâtor s'en inspirait, mais devait probablement posséder une double coque, ce qui n'est pas exclu pour les ces deux "30", probablement excessivement instable. Quand aux conditions des rameurs, installés sur des bancs très inclinés et devant probablement effectuer des mouvements bien plus réduits au point de levier de la rame ( l'apostis ) et bien plus amples à son extrémité, on en est réduit à des conjectures ( voir schémas de coupe sur la page des Hyper-galères Hellénistiques )...

Ce type de navire géant devait avoir probablement un gréement fixe, tout juste les voiles étaient-elles carguées avant le combat, et des assistances au niveau des dérives arrières, bien trop lourdes à manoeuvrer à mains nues, mais par le truchement d'un mécanisme démultiplicateur. La "Trente" Lagide aurait très bien pu être un navire de parade, du fait de ses dimensions exceptionnelles, mais le fait qu'elle ait été dupliquée argue dans le sens d'une unité opérationnelle sur le plan militaire. Cette galère possédait ainsi environ 1860 rameurs dans la configuration ici retenue, avec environ 400 hommes de troupe, incluant des archers, peltastes et les épibates, ainsi que les servant d'armes de jet, ici 8 "pétroboles" pouvant lancer des pots à feu et des pierres, ainsi que 4 balistes. Dur fait de sa configuration interne, ayant des rameurs debout, la partie centrale était couverte d'une passerelle et surélevée au-dessus de la chambre de nage. Ceci nous donne une longueur d'environ 100 mètres pour 20 mètres de large, et presque 28 en comptant les débords de la chambre de nage. Il est possible qu'un navire de ce type ait été présent à la bataille d'Actium en 31 av.J.C., toujours s'il on en juge des énormes logements de rostres du sanctuaire commémoratif d'Aktia ( le nom actuel du cap ), le plus grand mesuré, devait héberger une pièce de près de 2 mètres de large, 2,50 m de haut pour 4,50 de long et un poids d'environ deux tonnes en bronze massif...

Pendant la majeure partie de l'histoire Post-Alexandrine, au moins jusqu'à la première guerre Punique entre Rome et Carthage, Deux superpuissances navales dominaient la méditerranée: A l'ouest les Carthaginois et leur redoutable flotte de guerre, en à l'est, dominant toute la partie orientale de la méditerranée, la flotte de l'empire Lagide. Cet empire fut dirigé par la dynastie Ptolémaïque, dernière de l'Égypte en tant que grande puissance indépendante. Ptolemaios fut un des généraux d'Alexandre, fils de Lagos ( surnom d'un brillant chef de guerre Macédonien, général de Philippe II ), et à qui échut l'Égypte lors du partage de l'empire d'Alexandre le grand après sa mort en 331 av. J.C.. Il fut d'abord Satrape d'Égypte, puis Pharaon ( Ptolémée I Sôter "sauveur" ) en 305 av. JC.. Jusqu'en 30 avant J.C. ( date de l'assassinat par Octave de Césarion, fils présumé de Cléopâtre VII et de Caius Julius César ), qui fut "co-pharaon" ( Ptolémée XIV ) de 36 à 30 av.JC. Entre ces deux dates la dynastie Lagide, symboliquement fidèle aux coutumes Égyptiennes, à sa culture et à sa langue, y apporta la science navale des Hellènes, et les navires Égyptiens de cette époque n'avaient plus rien à voir avec les "bateaux souples" utilisés un millénaire plus tôt.

Les Souverains Lagides se trouvèrent régulièrement en conflit avec les autres descendants des Diadoques, la dynastie Séleucide et les Antigonides de Macédoine. De ce fait, ils eurent besoin pour leurs opérations militaires de navires toujours plus puissants, en vertu d'une course aux armements qui rappelle les pires dérives matérialistes du XXe siècle. La flotte Lagide était en effet presque entièrement composée d'unités lourdes, notamment le standard de l'époque, la Pentère. Elle alignait également des Hexères, Heptères, Hoctères, et Dékères ( à 6, 7, 8, 10 rameurs par bordée ) en quantité. Avec l'avènement de Ptolémée II Philadelphe ( 283-246 ), la flotte Lagide atteint son rang de plus grande puissance navale Antique ( et de loin ), alignant une flotte permanente de 336 navires, dont 224 Trières et Tétrères qui en formaient l'ossature, et les "monstres" destinés à percer le front ennemi, avec pas moins de 17 Pentères, 5 Hexères, 37 Heptères, 30 Nonères, quatorze"11", deux "12", quatre "13", deux "30" et une unique "20" appartenant à son père. Ces dernières unités étaient bien plus démonstratives que manoeuvrantes.

Cette course au gigantisme sera remportée haut la main par Ptolémée IV Philopator et sa Tettakontère ( Tesseracontère ) à 4 rangs de dix rameurs pour chaque banc. Ces galères étaient très proches de celles utilisées par les autres Hellènes, et construites notamment à Chypre, ou par Tyr et Rhodes, qui se fournissaient en bois du Liban ( Les riches forêts de la Coïlè-Syrie seront un terrain d'affrontement récurrent pour les Lagides et les Séleucides ). Mais les principales confrontations ne furent pas menées contre Carthage, puisque les Phéniciens, grands fournisseurs des Lagides, et "frères de sang" des Carthaginois ne l'auraient pas accepté, mais principalement contre la Macédoine, avec la confrontation majeure entre Antigone Gonatas et Ptolémée II. ( Voir aussi flotte Macédonienne ). La dernière grande bataille navale que livra la flotte Lagide est une date capitale pour l'histoire: Cette victoire d'Actium, porte aussi bien des conséquences pour la tactique navale de l'époque ( la fin des galères massives au profit d'unités légères ), et sur le plan géopolitique la fin de la flotte Lagide ( la méditerranée, après la chute de Carthage, devient un "lac Romain" ), et aussi celle de l'Égypte elle-même, puisqu'elle devient une colonie Romaine de l'empire Augustéen naissant.

 
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