Batailles Navales de la première Guerre Mondiale

Toutes les actions de 1914-1918

Les batailles navales de la grande guerre

Le cadre des actions navales

Indefatigable Sinking

Les différentes oppositions navales de la grande guerre eurent pour cadre la méditerranée et la mer du Nord, et avec le développement du sous-marin, l'atlantique. Mais au début de la guerre, l'escadre Allemande d'extrême-Orient allait conduire la poursuite de ses forces sur la plus grande partie du globe. On se battit également en Afrique, les Allemands tenant plusieurs colonies comme Dar-el-Salaam.

Mais la méditerranée de son côté ne vit pas de véritable bataille tant l'écart entre les forces alliées et celles de la Turquie et de l'Autriche-Hongrie étaient localement désavantagées. Les opérations en adriatique se résumèrent à des escarmouches légères et à des actions isolées, et la campagne des Dardanelles, un bombardement côtier. L'essentiel des batailles se mena en effet en mer du Nord, sur le Dogger Bank, à Héligoland, au Jutland, en baltique, avec un blocus et un contre-blocus, chaque camp essayant d'épuiser l'autre.

Quand à l'escadre de Spee, elle suscita une bataille au large de Coronel (Chili), et une autre au large des Malouines. La Hochseeflotte, après l'épisode du Dogger bank où elle faillit perdre d'un coup l'essentiel de sa force de bataille rapide, fut d'une rare timidité. Jutland ne fut finalement qu'une "bataille manquée" où l'affrontement du gros des flottes échoua de nouveau à la suite d'une trop grande crainte du commandement Allemand, qui savait que sa flotte avait numériquement le dessous. Le vieux piège consistant à attirer le gros de la flotte Anglaise sur des lignes de mines et de U-Bootes ne réussit jamais, et la flotte Allemande, qui n'avait été finalement étée que peu entamée par 4 ans de guerre, fut contrainte de rejoindre un port d'internement en Ecosse et y termina sans gloire son existence.

La liste chronologique des différentes batailles, actions ou événements navals de la grande guerre:

L'affaire du Königin Luise (nuit du 5 août 1914)
La Traque de l'amiral Souchon (3-8 août 1914)
L'action d'Antivari (16 août 1914)
L'affaire d'Odensholm (26 août 1914)
La bataille d'Héligoland (28 août 1914)
Le combat de Penang et des îles Cocos, (La saga de l'Emden)
La bataille de Coronel (1er novembre 1914)
La bataille du cap Sarytch (18 novembre 1914)
La bataille des Malouines (8 décembre 1914)
Récapitulatif du trajet de l'escadre du Pacifique de Von Spee (août-déc. 1914).
La campagne des Dardanelles (Nov. 1914- août 1916)
La bataille du Dogger Bank (24 janvier 1915)
La bataille de Gotland (2 juillet 1915)
Les opérations en adriatique (1914-1918)
Le torpillage du Lusitania (7 mai 1915)
La bataille de Kefken (8 août 1915)
La bataille du Jutland (1er juin 1916)
L'action du Pas-de-Calais (21 avril 1917)
La bataille du détroit d'Otrante (15 mai 1917)
La bataille du Golfe de Riga (12-20 octobre 1917)
La seconde bataille d'Héligoland 17 novembre 1917)
La bataille (campagne) de l'Atlantique (1914-18)
Le raid de Zeebruge (23 avril 1918)
Mutinerie et sabordage de la Hochseeflotte (1919)


Hors-cadre (conflits avant et après la grande guerre):
-Balkans: Le combat de Varna (21 novembre 1912)
-Balkans: La bataille d'Elli (16 décembre 1912)
-Balkans: La bataille de Lemnos (18 janvier 1913)
-Russie: La bataille de Krasnaïa Gorska (17 juin 1919)
-Russie: La bataille de Kronstadt (18 août 1919).

L'affaire du Königin Luise (5-6 août 1914)

Le Königin Luise en 1914.

La toute première action de la guerre a étée navale: L'état-major de la Hochseeflotte avait élaboré un plan d'envergure depuis des années dans l'hypothèse d'une guerre avec la Grande-Bretagne. Il s'agissait d'une part de miner les ports et les zones côtières et passantes Britanniques avant même toute action de la Royal Navy, et d'autre part d'effectuer des raids de bombardement des villes côtières Anglaises afin d'atteindre le moral des populations. Dans le cadre de la première action, on mobilisa le 4 au matin le paquebot Königin Luise, réquisitionné pour la Hochseeflotte comme "hilfsminenkreuzer" (Croiseur auxiliaire mouilleur de mines). Dans cette optique on l'équipa rapidement de rails pour mines, et de deux canons de 37 mm prélevés sur les stocks anciens, et installés à la poupe. La nuit du 3 au 4, on prévoyait aussi l'installations de deux pièces de 88 mm, mais l'urgence fut de le peindre en transport Britannique et de charger les 200 mines à orins à bord.

Le 5 août au matin, le navire quittait Cuxhaven sans escorte et mettait le cap vers la tamise avec pour mission d'y établir un champ de mines. La tamise, fleuve profond et bien dragué était sans doute l'artère la plus vitale du commerce Britannique vers l'intérieur du Sussex et notamment Londres. Le trafic y était considérable. Le Königin Luise filait à 16 noeuds vers son objectif lorsqu'il aperçut au loin une escadre de destroyers, mais celle-ci le prit du fait de sa livrée pour un transport Britannique et poursuivit sa route. Le paquebot Allemand parvint donc sans être inquiété à son objectif, et passa l'après-midi à mouiller tranquillement ses mines devant l'estuaire. De rares vapeurs le croisent, sans avoir de soupçons. Cependant à l'amirauté, les services de renseignement font état de missions en cours ou prévue de mouilleurs de mines Allemands.

L'escadre de la Tamise, composée de l'Amphion, et de deux flotilles de 8 destroyers en est informée, et met le cap à toute force de machines vers l'embouchure de la Tamise. Le paquebot Allemand est en train d'achever sa mission et se prépare à regagner Cuxhaven. A 23h40, l'Amphion établit un contact visuel avec le paquebot, qui doit alors immédiatement partir et une poursuite commence. Les premiers à rattraper le navire Allemand sont les destroyers Lance et Landrail, qui filent à 29 noeuds, alors que le navire Allemand ne peut faire que 21 noeuds. Ces derniers tirent quelques coups de semonce de 102 mm vers l'avant du paquebot menée par un croiseur léger. Puis les deux flotilles remontent parallèlement au KL, l'encadrant à distance de tir, tandis que l'Amphion, moins rapide, ferme la marche. Le navire Allemand n'a que deux pièces de 37 mm destinées à répondre aux torpilleurs, à courte portée. Le duel est inégal et le KL encaisse les tirs de 102 mm des destroyers rangés en ligne de bataille de part et d'autre.

Percé de toutes part, le KL reçoit alors les derniers coups de l'Amphion, et sombre à 0h00 à 51°52' nord et 02°30' est. Les survivants sont repêchés jusqu'à l'aube, et l'escadre met alors le cap sur la Tamise. C'est au retour que l'Amphion - ironie du sort - chargé de marins Allemands repêchés, traverse le champ de mines du Königin Luise, est touché à 18h00 par plusieurs d'entre elles, et coule en très peu de temps. Ce fut donc la seule victime d'importance du navire Allemand, car il n'y en aura pas d'autres: Les destroyers, qui s'efforcent de récupérer les survivants en marche lente, surveillant les flots, signalent la position du champ de mines qui sera dragué le landemain, de nombreux transports passant par là en seront avertis. Ce genre de missions ne pourra alors se reproduire, la Royal Navy, dûement avertie, multipliant les patrouilles et ne se laissant plus abuser par des navires civils mal identifiés.

La traque de l'amiral Souchon (3-8 août 1914)



Le 2 août 1914, la déclaration de guerre prenait au dépourvu toutes les unités Allemandes stationnées hors de la métropole. Le croiseur de bataille Goeben et le croiseur léger Breslau, pour leur part, formaient l'escadre de méditerranée, stationnée habituellement à Port Saïd, le débouché en mer rouge du canal de Suez. Toutefois le Goeben avait eu depuis ses essais en 1912 quelques déboires avec ses tubes de chaudières. Il ne pouvait plus atteindre que 18 noeuds pour raisons de sécurité et devait être remplacé en octobre 1914 par sister-ship Moltke afin de rentrer en Allemagne pour de plus amples modifications. Jusqu'ici son rôle en temps de paix avait été d'escorter le Kaiser lorsque ce dernier descendait sur son yacht, le Hohenzollern dans sa résidence d'été à Corfou. Juste après l'attentat de Sarajevo, le Goeben se trouvait à Pola pour se schaudières et le Breslau à Durazzo ( Autriche-Hongrie, au sud du Monténégro. Tuant le temps, les matelots du Breslau disputaient une cordiale partie de water-polo avec les hommes du cuirassé King Edward VII mouillé juste à côté...

C'est alors que le message fatidique tomba par TSF. La déclaration de guerre était imminente. Le contre-amiral Wilhelm Souchon était penché sur une grande carte de la méditerranée. Plusieurs options s'offrait à lui, nonobstant les ordres qui pouvaient venir de Tirpitz: Il y avait une certitude: S'il restait à Pola, il se trouverait enfermé en adriatique et probablement soumis aux décisions de l'amirauté Austro-hongroise, jugée timorée. Il pouvait tenter de rallier la Hochseeflotte, mais cela nécéssitait de devoir traverser l'ouest de la méditerranée, et surtout passer devant Gibraltar où la Royal Navy pourrait ne pas le laisser passer, sans parler de la flotte Française, dont l'essentiel des effectifs se trouvaient "à portée de fusil" à Toulon et sur toute la côte Nord-Africaine.

Souchon pouvait jouer son va-tout en pensant passer inaperçu, et en rusant, arborant un pavillon Russe par exemple. De plus, une fois sorti sur l'Atlantique, lui fallait-il encore rejoindre la mère patrie en passant soit par le cercle arctique et contournant la Grande-Bretagne par le nord-ouest, ce qui le mettait également "à portée de fusil" de Scapa Flow. Il pouvait aussi renoncer à rejoindre la Hochseeflotte et tenter une guerre au commerce dans tout l'Atlantique, quitte à rejoindre ensuite Von Spee par le sud... Le 2 août, l'Allemagne risquait d'être en guerre contre la France incessamment, pas encore contre l'Angleterre. Il allait donc pragmatiquement décider dans un premier temps d'attaquer les convois Français d'Afrique du Nord. C'est ainsi qu'il appareilla après avoir achevé à la hâte ses préparatifs et à moitié charbonné, pour l'Algérie, à minuit.

Sortant de l'adriatique, il fut rejoint par le Breslau. Le 3 août, Souchon faisait route avec ses deux bâtiments vers Bonifacio, puis changea de cap, à 20 noeuds, pour la côte Algérienne. L'amiral Français Augustin Boué de Lapeyrière, qui commandant les Forces navales Françaises en méditerranée, était au courant du départ des navires Allemands. Il n'avait qu'une obsession, leur barrer la route, protéger ses convois. Il fit appareiller ses forces de Toulon en trois ligne, en direction de philippeville, Bône et Bougie. Au total 89 navires transportant 49 000 hommes et 11 800 chevaux. A 18h45, un nouveau message tombait à l'état-major: La guerre était cette fois officiellement déclarée; Mais Lapeyrère n'en fut pas informé. L'amiral Anglais Milne le savait, mais il n'y avait pas de code de communication entre Français et Anglais...

Toujours est-il que Milne fit envoyer l'amiral Troubridge en adriatique avec deux croiseurs-cuirassés tandis que lui-même gagnait Malte et hissait sa marque sur l'HMS Inflexible. il recevait à 12h45 de Churchill l'ordre de suivre les deux navires Allemands. Pendant ce temps, ces derniers avaient forcé l'allure. Contrairement à ce que craignait Boué de lapeyrière, dont les bâtiments n'avaient ni la portée ni la vitesse pour intercepter les navires Allemands, l'intégralité des convois passèrent sans encombre. Mais Souchon également passa inaperçu... Le 3 août au soir, à 20h30, Milne fit envoyer l'Indefatigable et l'Indomitable à Gibraltar.

La nuit du 4 août, à 5 heures du matin, Souchon était devant Philippeville, passé au travers des mailles du filet. Ses canonniers s'en donnèrent à coeur joie et le Goeben pilonna la rade, une heure après le Breslau qui s'était séparé du Goeben au soir, et avait gagné Bône pour faire croire qu'ils se déplaçaient vers l'ouest. Le Goeben reçut entre-temps un message TSF urgent de Berlin capital pour la suite: "Alliance conclue avec la Turquie, stop. Gagnez constantinople, stop." Il mit d'abord le cap au nord-ouest pour tromper les observateurs de la côte. Il était passé au travers de la flotte française, mais la Royal Navy était sur le qui-vive, et il devait retraverser toute la méditerranée en sens inverse ! La route étant longue, il transmit ses ordres au Breslau puis mit le cap sur Messine pour achever son charbonnage. Le Breslau de son côté fit directement cap à l'est.

Au nord du Goeben, se trouvait au même moment à 100 kilomètres, la 1ere escadre Française. Quand aux croiseurs de bataille Anglais venant de l'est, ils faisaient route à pleine vitesse, accompagné par le croiseur léger HMS Dublin. Le Goeben vira de bord vers l'est à 6h30. A ce moment, la 1ere escadre Française qui le cherchait croyait sur la foi des observations depuis la côte que le croiseur de bataille ralliait Alger. Lapeyrère divisa ses forces en deux ailes, mettant cap à l'ouest avec le gros des cuirassés, tandis que son aile gauche continuait sa route au sud-est avec trois croiseurs-cuirassés dont le Jules Michelet, l'Ernest Renan et l'Edgar Quinet.

A 8h00 du matin, le temps était éxécrable et la visibilité réduite, et les navires Français n'étaient qu'à 40 milles - 74 km - du Goeben... Ce dernier finit par les apercevoir, mais ce ne fut pas réciproque. Quand aux croiseurs de bataille Anglais, ils aperçurent le bâtiment Allemand qui filait vers l'est et changèrent de cap pour le poursuivre. Le Goeben au prix de tous les enfers fit marcher ses machines au point de pouvoir atteindre 24,5 noeuds, et progressivement semer les navires Anglais qui se rapprochèrent jusqu'à 9000 mètres, sans tirer, l'Angleterre n'était pas encore officiellement en guerre, mais Milne ne parvint pas à contacter son homologue Français. Seul le Dublin suivit le Goeben jusqu'à la hauteur de la sicile, puis vira de cap à 21h50. Les deux croiseurs de bataille Anglais avaient eux renoncé dès 19h05. La gande-bretagne était officiellement en guerre depuis 21h00, mais le Dublin risquait d'être à court de combustible et ne pouvait de toute façon pas affronter le croiseur de bataille. Le Breslau était arrivé à messine bien avant le Goeben.

Le contre-amiral Souchon s'offusqua de voir que depuis lors, il n'avait toujours pas commençé à charbonner. Le commandant Kettner du Breslau affirma alors que les Italiens lui avaient refusé catégoriquement de puiser dans leurs réserves, neutralité oblige. Souchon fit alors réquisitionner d'autorité tous les vapeurs Allemands présents dans la rade, et mit en demeure les capitaines de lui confier leurs stocks de charbon, qui furent acheminés péniblement soit par des manoeuvres à couple, par l'intermédiaire de barges, de chaloupes, à dos d'homme et à force de bras... A l'aube, l'opération était toujours en cours. Tous les matelots étaient à la tâche. Peu avaient dormi depuis 48 heures. Ce transbordement de combustible pour rassasier l'ogre d'acier prit 36 heures au total, bien au-delà des 24 heures réglementaires de présence de navires belligérants dans un port neutre, ce qui soulèvera des protestations officielles de l'ambassadeur Italien à Berlin. Les autorités du port signalèrent dès le matin au gouvernement la présence dans le port des deux bâtiments Allemands, et ce n'est qu'à 18 heures, le 5 août, que l'ambassadeur d'Italie à Londres en informa l'attaché naval.

A l'aube du 6 août, le laborieux charbonnage avait pris fin. Tandis que beaucoup de matelots, épuisés, s'effondraient dans les coursives, Souchon, les traits tirés, réunit Kettner et Dönitz (le futur amiral de la Kriegsmarine était alors simple lieutenant de vaisseau sur le Breslau) pour décider de la marche à suivre. Il se doutait que les Anglais, qui restaient sagement hors des eaux territoriales Italiennes, les attendaient. Les ordres de Berlin étaient de rejoindre Constantinople et d'éviter l'affrontement. Mais Souchon ne voyait pas comment l'éviter. A 17 heures, les deux bâtiments levaient l'ancre et se dirigeaient vers la jetée, puis prirent le large. Il furent d'abord suivis à distance raisonnable (hors de portée des 280 mm du Goeben) par le HMS Gloucester. Ce dernier câbla: "They come !". Encore une fois, Souchon fit faire marche à plein régime. Le Gloucester s'accrocha, sachant que l'amiral Troubridge venait de l'est avec le HMS Defence, 3 autres croiseurs-cuirassés et 8 destroyers, mais il arriva trop tard pour intercepter les navires Allemands. Il finit par comprendre que la destination finale de Souchon était vraisemblablement la Turquie, et vira de cap, recommença la poursuite. Mais c'est le Dublin qui reprit contact le premier. La poursuite continuait, les navires Allemands arrivaient à hauteur de Malte. Deux destroyers et le HMS Gloucester surgirent. Les destroyers tentèrent de lancer leurs torpilles, mais furent accueillis par des salves précises et s'éloignèrent. Le Goucester commandé par le commandant Kelly, engagea le combat avec le Breslau.

A 11 300 mètres, à 12h35, il ouvrit le feu. Le Breslau avait déjà demandé par projecteur en morse à Souchon s'il pouvait attaquer le croiseur Anglais, mais Souchon refusa, préférant ne pas perdre de temps. Lorsque le croiseur Allemand encaissa un obus de 150 mm, il répliqua, mettant deux coups au but sur le Gloucester. Celui-ci préparait sa salve suivante, mais les veilleurs aperçurent le Goeben qui s'était rapproché du Breslau, le mettant à portée de tir... Kelly décida donc de s'éloigner prudemment. Désormais plus rien ne pouvait barrer la route de l'escadre de méditerranée. Les deux bâtiments mouillèrent le 7 dans la baie de l'île Denusa, à l'entrée des Dardanelles, attendant des instructions ou l'autorisation de Berlin. Les deux bâtiments étaient sur le qui-vive, en attente d'une éventuel combat contre la Royal Navy. Mais rien ne survint. Le 10 août, Berlin autorisa Souchon à mettre le cap à l'entrée du détroit. Un torpilleur Turc approcha. Au projecteur, le Goeben lui signala en morse "je cherche un pilote". Le capitaine du torpilleur turc lui répondit "suivez-moi". Les deux bâtiments levèrent l'ancre et traversèrent les filets, les mines, sous les gros canons des forts et batteries embusquées le long des hautes falaises.

Les turcs avaient une piètre marine, mais ils avaient fortifié les Dardanelles de façon à rendre le seul accés à Constantinople et à la mer noire inexpugnable. mais les Anglais ne renoncèrent pas: Le seul bâtiment disponible localement, le croiseur Weymouth, fit irruption à l'entrée des Dardanelles, bien décidé à suivre les navires Allemands, mais les Turcs, quoique officiellement neutres, lui barrèrent la route avec plusieurs torpilleurs. Au soir du 10 août, les deux navires Allemands mouillaient à Constantinople. Berlin pour montrer sa bonne volonté à la sublime porte, "offrit" l'escadre Allemande au gouvernement Turc. On troquait le pavillon à croix germanique contre un pourpre à croissant, et Souchon, coiffé du chéchieh, était nommé par le Sultan "commandant en chef de la marine Ottomane"... C'était le début de la "triple alliance", et l'ouverture d'un troisième front au moyen-Orient...

L'action d'Antivari (16 août 1914)

La côte Adriatique, et Antivari, actuellement Bar, sur la côte Monénégrine. Les toutes premières opérations navales de la première guerre mondiale ont étées nombreuses en un laps de temps assez court. En méditerranée, outre la fuite du Goeben vers la Turquie, c'est la marine Austro-Hongroise qui lança les hostilités: Depuis Pola, sa grande base navale sur l'adriatique, elle entama un blocus naval des ports importants du Monténégro afin de de préparer à une invasion de la Serbie en l'affaiblissant. Les Forces navales Monténégrines ( alliés des Serbes, les seuls ayant une facade maritime ) sont alors inexistantes. Les bâtiments de guerre Autrichiens ne se contentent pas d'arraisonner les navires marchands: Ils bombardent les ports, détruisent les installations, les empêchant de rester opérationnels. Le 13, la France entre en guerre contre l'empire. L'Amiral Boué de Lapeyrière qui dirige la flotte Française de méditerranée, décide alors de lancer immédiatement une offensive navale pour soutenir les Serbes.

A cette époque, depuis le 6 juin, la proportion de la flotte Française en méditerranée fit que les Britanniques jugèrent utile le laisser le commandement suprême aux Française sur ce théâtre d'opérations, les Britanniques se réservant le commandement suprême des forces navales alliées en mer du Nord. De ce fait, par ce traité du 6 juin les forces navales Britanniques, réduite à deux croiseurs cuirassés (Defence et Warrior) et quelques bâtiments légers par les transferts massifs en mer du Nord, se trouvaient théoriquement aux ordres de l'amiral boué de Lapeyrière. Ce dernier, dès le landemain de la déclaration de guerre, rallia Malte avec les forces combinées, puis joignit l'adriatique en éxécutant une ostensible "revue navale" côtière à l'égard des Italiens encore indécis.

Le 16, sa flotte, comprenant 15 cuirassés (2 Coubet, 6 Danton, 5 vérité), 6 croiseurs cuirassés (3 Léon Gambetta, les Quinet, Renan, Michelet), et des bâtiments de moindre importance, entre dans l'adriatique, suivie des croiseurs-cuirassés Britanniques venant de gibraltar, l'escadre de l'amiral Troubridge. Prévenue, la flotte Austro-Hongroise rallia en catastrophe la rade de Pola. Mais le Zenta qui n'avait pas été informé, menait des opérations de pilonnage devant le petit port d'Antivari. Il était accompagné par le destroyer Uhlan et 2 torpilleurs. Ses veilleurs n'aperçurent pas le Courbet, dreadnought Français récent qui depuis 20 000 mètres, fit feu. Très vite les salves de 305 mm encadrèrent le Zenta, qui n'avait pas d'artillerie capable de répliquer. En très peu de temps, le Zenta est touché gravement par les gros calibre et est immobilisé et désemparé. Son équipage l'évacue en catastrophe sur des radeaux. Le Destroyer Uhlan et les deux torpilleurs ont réussi à fuir. Le Zenta sombrera en peu de temps, mais l'essentiel de son équipage rejoindra sain et sauf la côte.

Ce modeste revers pour la flotte Austro-Hongroise signifiait surtout que les alliés risquaient en se postant en adriatique, bloquer toutes ses initiatives. Dans un premier temps en tout cas, la présence Française dissuada un temps les forces navales de Pola de tenter de nouveaux raids sur la côte. Mais bientôt les forces alliées se verront entièrement absorbées par les opérations aux Dardanelles, et la flotte Austro-Hongroise se sentira de nouveau les mains libres, peu de temps: L'Italie entra en guerre à peu près au même moment... ( Voir aussi: Opérations alliées en Adriatique ).

L'action d'Odensholm (26 août 1914)



Odensholm (actuellement Osmussaar, île désolée de 4,7 km appartenant à l'Estonie - où selon la légende, Odin fut brûlé lors de ses funérailles) se situait à 67 km au sud-ouest de Tallinn. Par sa position stratégique, elle fermait le golfe de Finlande, porte vers la Baltique de Saint-Petersbourg. Dès la déclaration de guerre, on confia à la Hochseeflotte le soin de miner l'entrée du golfe. Le 25 août, on désigna pour cela les croiseurs Magdebourg et Augsburg. Le premier appareilla de Königsberg (actuellement Kaliningrad) et rallia l'entrée du golfe la nuit du 26. Malheureusement, c'était par temps de brouillard, et le Magdebourg s'échoua sur des hauts-fonds au nord de l'île d'Odensholm. Le destroyer V26 qui l'accompagnait tenta de le prendre en remorque pour le désensabler, en vain. Au phare de l'île, un veilleur Russe donna l'alerte à l'état-major de la flotte de la Baltique. La situation est critique. Le capitaine de corvette Habenitch ordonne à l'équipage d'évacuer le bâtiment et de le préparer pour un sabordage.

Des charges sont posées, les archives du carré sont brûlées dans une chaudière. Alors que l'équipage se prépare à embarquer sur le V26, un guetteur donne l'alerte: Deux croiseurs Russes en vue !. Il s'agit en fait du Pallada et du Bogatyr, arrivés à toute vapeur. Le V26 n'aura pas le temps de prendre à son bord l'équipage Allemand: Il quitte la zone immédiatement, laissant les hommes livrés à leur destin. Le croiseur n'ayant pas amené les couleurs, les croiseurs Russes ouvrent le feu dans un angle mort: Le croiseur Allemand n'aurait même pas le loisir de répliquer. Il est très vite encadré par des tirs de semonce, puis, faute d'obtempérer, canonné à courte portée et très rapidement mis hors de combat. Un début d'incendie et un début de panique s'empara de l'équipage Allemand. Qui plus est, les charges de l'avant sautèrent, les charges arrières étant probablement inactivées faut de pouvoir évacuer le navire.

En fin de compte, 56 marins et le capitaine furent capturés. Le capitaine Nepenin, chef des services de renseignement de la flotte de la baltique y fit envoyer une équipe qui retrouva un exemplaire du livre des codes de la Hochseeflotte, sous une pile de linge dans la chambre du commandant, document d'une importance capitale. Mais deux autres furent également retrouvés avec leurs livres de décodages. Deux de ces livres de codes furent transmis aux flotte de la baltique et de la mer noire, et le troisième acheminé jusqu'à Londres par les capitaines Kedrov et Smirnof et remis en mains propres à Winston Churchill. Aussitôt transmis à la "Room 40" et recoupé avec d'autres documents, la Royal Navy et la Marine Russe auront toujours une longueur d'avance sur la Hochseeflotte. L'état-major de cette dernière ignora en effet jusqu'au dernier moment la possession par les alliés de ce document ultra-secret, les 56 hommes du Magdeburg étant détenus en sibérie jusqu'à la capitulation. Cette affaire en rappelle une autre, qui surviendra 19 ans après: Le "casse" du code Enigma.

La bataille d'Héligoland (28 août 1914)





L'île d'héligoland en mer du nord est une étrangeté géologique, un bloc de falaises rouges très dures posées en mer du Nord. Successivement Danoise, Anglaise, et Allemande, elle verrouillait la baie du même nom, située sur le versant ouest du Danemark, devant l'embouchure de l'Elbe, à 70 km de la côte, et comprenait deux îes, dont la plus petite était une simple dune. Les bâtiments ancrés à Wilhelmhaven et Bremerhaven croisaient sa route lors de toute sortie en mer du nord. De plus, si l'île n'avait jusqu'ici été surtout un repaire de plaisanciers et une station balnéaire prisée grâce à son micro-climat, Tirpitz envisagea très vite son aménagement en base navale avancée, avec de grandes jetées et des installations militaires. Dès le début de la guerre, les submersibles Britanniques observaient les mouvements et les patrouilles régulières nocturnes et diurnes de destroyers et de croiseurs légers dans cette zone. Le commodore Roger Keyes, qui commandait la force de submersibles Britanniques, formula un plan de raid qui impliquait la force de Harwich commandée par l'amiral Tyrwhitt.

Ce plan consistait à attirer le gros des forces légères ennemies au large d'héligoland par un rideau de submersibles en deux groupes dont l'un devait jouer le rôle de leurre et attirer les torpilleurs sur la Flotte de Harwich, et l'autre empêcher tout renfort. il était prévu une qu'une autre force composée de navires plus lourds ( croiseurs de bataille ou croiseurs-cuirassés ) se trouvent à portée en cas de renforts massifs venant de Bremerhaven, voire même la Grand Fleet.

Mais l'état-major à l'époque avait d'autres soucis en tête et écarta provisoirement le plan de Keyes. Ce dernier s'en vint trouver Sir W.Churchill, premier lord de l'amirauté et lui exposa ses vues. Enthousiaste, le bouillant Churchill demanda alors une réunion et y confia Tyrwhitt, le Prince de Battenberg (1er lord de la mer), Sturdee (le chef d'état-major de l'amirauté), et Hamilton (2e lord de la mer). Sturdee s'opposa à toute mobilisation de la Grand Fleet en soutien, mais accepta de constituer une couverture de l'opération avec les 5 croiseurs-cuirassés de la force C et les deux croiseurs de bataille de la Force K.

Les deux groupes de submersibles de Keyes furent composés des E4, E5, E9 placés au nord et au sud d'héligoland pour empêcher toute retraite Allemande vers la côte, tandis qu'une autre ligne composée des E6, E7 et E8 était envoyée à 74 km pour attirer les forces Allemandes plus à l'ouest, et finalement, le D2 et le D8 furent placés devant l'embouchure de l'Ems pour intercepter tout renfort. Le jour J devait être fixé au 28 août. Cependant John Jellicoe, le commandant en chef de la Grand Fleet ne fut informé de cette opération, en termes très vagues, que le 26, au moment même où Keyes faisait appareiller ses sous-marins. Ce dernier proposa finalement le concours de la Grand Fleet, s'inquiétant d'une sortie si près des côtes Allemandes. Sturdee s'y opposa une nouvelle fois, mais permit néammoins de détacher quelques croiseurs de bataille, qui pouvaient être rapidement sur zone. Une force composée de la première escadre de croiseurs de bataille de David Beatty et de l'escadron de croiseurs légers du commodore Goodenough fut mise en place. Mais Keyes et Tyrwhitt avaient à ce moment gagné pratiquement leurs positions et étaient injoignables. Ils ignoraient donc cette force de soutien. C'est ainsi que la rencontre inopinée juste avant l'aube de la force de Harwich et de l'escadre de Goodenough faillit tourner à l'affrontement, avant que les veilleurs ne confirment qu'il s'agissait de navires amis.

De leurs côté, les Allemands avaient envoyé une force de 9 destroyers modernes composant la 1ere flotille de torpilleurs à 46 km à l'ouest de l'île. A 22 km de l'île se trouvait également la IIIe division de dragueurs de mines. En support se trouvaient les croiseurs légers SMS Hela, Ariadne, Frauenlob et Stettin, le Mainz étant de son côté encore dans l'embouchure de l'Ems, et 7 autres croiseurs légers ancrés à Wilhelmshaven et Brunsbuttel. Aucun bâtiment lourd n'était disponible. La force de Harwich commandée par Tyrwhitt comprenait pas moins de 31 destroyers menés par les croiseurs Arethusa et Fearless. En soutien, la force C et 5 croiseurs-cuirassés, et la Force K composée de 6 croiseurs légers et les croiseurs de bataille New Zealand et Invincible.

Aux premières lueurs de l'aube, l'E9 aperçut le destroyer Allemand G194, et à 5h26, le torpilla, mais le manqua alors que se dernier faisait route à pleine vapeur pour l'éperonner. Aussitôt le navire Allemand signala sa position, et d'autres destroyers de la flotille firent route dans ce secteur. C'est alors que surgirent les forces de Tyrwhitt et en avant-garde, les destroyers Laurel et 3 autres "L". Ces derniers s'en prirent au G194 à 6h50, et le contre-amiral Leberecht Maas, qui hissa sa marque sur le Cöln, en fut le premier informé. Il répercuta la nouvelle au commandant en chef de la défense de la baie d'Héligoland, le contre-amiral Franz Hipper. Ce dernier, pensant qu'il ne s'agissait que d'une sortie isolée de 4 destroyers, n'autorisa le départ que des Stettin et Frauenlob en renfort immédiat. De son côté Tyrwhitt craignait pour ses destroyers trop avancés, et faute de pouvoir les joindre afin de les rappeler, fut obligé de faire route à toute vapeur afin de les assister. C'est alors qu'arrivèrent les destroyers de la 1ere flotille. Ces derniers apercevant les croiseurs et destroyers n'engagèrent pas le combat, préférant se replier pour se mettre à l'abri des batteries d'Héligoland. Détachée, la 1ere flotille menée par le Fearless obliquait sa route vers le nord. La poursuite engagée par la IIIe flotille menée par l'Arethusa, après avoir malmené le S13 et le V1, arriva sur la seconde ligne Allemande, composée de frêles dragueurs de mines. Mais à 7h57, les veilleurs Britanniques signalèrent la présence de deux croiseurs ennemis: Il s'agissait du Frauenlob et du Stettin. La 3e flotille obliqua vers ces navires, tandis que la 1ere engageait le combat. Très vite, le Fearless toucha le Stettin, venu au soutien des destroyers, obliqua vers l'île. Cependant, le Fearless avait reçu l'ordre de continuer vers le Nord de l'île. L'Arethusa, de son côté, soutenait le feu du Frauenlob...

...Devant la concentration des tirs Allemands, l'Arethusa encaissa de nombreux impacts, ayant des dégâts au niveau des machines, inondées, de la transmission, mais surtout la mise hors de combat de deux canons, les autres étant tous touchés. Le Frauenlob avait de son côté encaissé 10 impacts. Mais la situation du croiseur Anglais allait empirer, avec le risque d'arrivée du Stettin, qui avait été "lâché" par le Fearless, tirant vers le nord-est. A 8h30, l'Arethusa, trop gravement touché, rompait le combat et faisait route plein ouest, tandis que le frauenlob se muait en poursuivant. Pendant ce temps, une course poursuite s'engagea entre Keyes à bord du HMS Lurcher et les croiseurs légers de Goodenough, chacun croyant avoir affire à l'ennemi, faute de communication. Cette confusion prit fin à 9h50. Goodenough décida alors de détacher le Lowestoft et le Nottingham de la 1ere escadre de croiseurs. Ces derniers croisièrent la route du V187, touché et poursuivi par plusieurs destroyers menés par le HMS Goshawk. Le destroyer Allemand fut coulé à 9h10 et ses survivants repêchés.

Au moment même où ces opérations étaient en cours, deux baleinières étant à l'eau, les destroyers apareillèrent précipitamment lorsque des veilleurs signalèrent le Stettin. Les quelques marins Anglais des canots et les matelots Allemands furent surpris en voyant le submersible E4 faire surface. Ce dernier n'avait pas assez de place pour les recueillir tous, aussi les matelots Anglais seuls et trois prisonniers embarquèrent, tandis que l'on donna aux Allemand restés à bord des chaloupes un compas et des vivres, en leur indiquant la direction d'Héligoland. Vers 8h55, le Fearless et l'Arethusa faisaient route au sud-ouest de concert. Le Hela et l'Ariadne, avertis, étaient trop loin de l'action et retournèrent à leurs patrouilles, mais par contre, le Strassburg, le Mainz, et le Cöln avaient appareillé en direction de l'île et fonçaient vers le combat. Enfin, à 9h30, le HMS Southampton de l'escadre de goodenough fut torpillé sans succés par l'E6 qui le prit pour un croiseur Allemand. Ce dernier en retour le prit pour un submersible Allemand et tenta de l'éperonner.

Pendant ce temps, Tyrwhitt essayait de reformer son escadrille dans le brouilard, qui commençait seulement à se lever. C'est alors que surgirent les croiseurs Allemands. Le SMS Strassburg commença à prendre l'Arethusa pour cible mais la défense active des destroyers menés par le Fearless. Le Strassburg décrocha, mais à ce moment le Cöln fit irruption et commença à son tour à pilonner l'infortuné Arethusa. Une nouvelle fois, il dût décrocher devant l'audacieuse défense des destroyers. A son tour le Strassburg revint à l'attaque. Sous pression, Tyrwhitt demanda d'urgence l'intervention de l'escadre de David Beatty. Ce dernier s'éxécuta et vint en soutien malgré la présence de mines dans le secteur à 11h35. Du côté de la force de Harwich, la bataille faisait rage entre les destroyers Anglais et un troisème croiseur, le Mainz, arrivé à son tour. A 11h50 l'escadre de Goodenough fut signalée par les veilleurs Allemands et les trois croiseurs changèrent de cap.

Le Mainz eut son gouvernail faussé par un tir du Fearless. Il continua à faire route en modulant la puissance de ses machines, mais fut violemment pris à partie par les destroyers Laurel, Liberty et Laertes, bien que ces derniers soient endommagés par les répliques du croiseur. Les croiseurs Britanniques le pilonnèrent jusqu'à ce qu'il soit évacué par son équipage. Il sombrera en 40 minutes, vers 12h50. Pendant ce temps, le Cöln et le Strassburg avaient profité de cette diversion pour ré-attaquer l'Arethusa presque sans défense, ses destroyers étant dispersés. C'est alors que David Beatty arriva à point nommé avec ses croiseurs de bataille. Ceux-ci ouvrirent le feu de loin, surprenant les croiseurs Allemands qui durent rompre le combat et changer de cap. La distance décrut très rapidement pendant cete manoeuvre, de sorte que le Cöln fut rapidement touché. L'Ariadne surgit alors, faisant diversion. Il fut immédiatement pris à partie presque à bout portant par le Lion et le Princess Royal, et mis en flammes. Le Strassburg profita de la confusion régnant encore chez les Anglais sur la présence de navires "amis" et "ennemis", et parvint à s'échapper, mais le Cöln fut retrouvé par les guetteurs du Lion, et à 13h25, le croiseur Allemand, répondant pour la forme ( il n'avait pas la portée des canons Britanniques ), fut coulé.

A 14h00, tout était terminé. Le Strassburg avait échappé à ses poursuivants, le gros des forces Anglaises s'étant repliées. Ces derniers ne déploraient que 36 victimes et l'Arethusa ainsi que 3 destroyers devaient subir de longues réparations. Mais de leur côté les Allemands déploraient 1200 morts, disparus et prisonniers, et avaient perdu 3 croiseurs et un torpilleur. Cette bataille montra d'une part les graves insuffisances de la défense de la baie d'Héligoland, puisque le dispositif Allemand s'était montré trop léger et que les attaques manquaient de coordination, les renforts arrivant trop lentement, mais d'un autre côté les Britanniques pêchaient par un manque de communication de l'opération entre les différentes forces impliquées qui faillit tourner au désastre. Cela n'enlèvera rien au succés de Beatty qui retirera les plus grands crédits de cette victoire...

L'Emden: l'Histoire vraie du Corsaire blanc du Pacifique.

L'Emden en 1914 - Image libre de droits - Wikipedia Le croiseur Allemand KMS Emden, vécut en 1914 une odyssée qui à déjà été portée à l'écran.

Le périple fabuleux de l'Emden et de son équipage commença peu après son entrée en service en 1909. Envoyé pour soumettre la colonie de Ponape, une des île Carolines, il représente dans ces contrées lointaines l'autorité du Kaiser. L'année 1914, il est détaché sur la colonie de Tsing-Tao en Chine, l'ancien comptoir historique Germanique de l'empire du milieu. Le jour de la déclaration de guerre en 1914, son commandant Von Müller décide de quitter précipitamment la base pour ne pas y être acculé par un ennemi supérieur. D'autres colonies adverses sont toutes proches; Russes, Français et Anglais y patrouillent. En rejoignant l'escadre de Von Spee dans le pacifique, en passant par le détroit de Corée, il arraisonne le paquebot Russe Riasan, dont l"équipage est fait prisonnier. cependant l'amiral Jerram et son escadre sont arrivés au large de Tsing tao et en interdisent à présent l'accès. Von Spee décide alors de tenter de rentrer en métropole et d'abandonner le pacifique. Fuyant plus au sud l'entrée en guerre des Japonais le 23 août, l'Emden obtient de pouvoir rester et tenter une guerre de course dans l'océan Indien.

Il est vrai aussi qu'en se faisant remarquer ici par une diversion, l'Emden permettait à l'escadre de Von Spee de fuir vers le cap Horn sans trop attirer l'attention. Ainsi parcourt-il les rivages de l'Indonésie, avec une quatrième cheminée Factice pour qu'on le prenne pour un bâtiment Anglais de la classe Weymouth, comme le Yarmouth qui croise justement dans ces eaux. Ne voyant assisté de son ravitailleur le Markomannia que de modestes Jonques et caboteurs, le 8 septembre, il arraisonne le charbonnier Grec Pontoporos, neutre, et contraint moyennant finances de dissuader le capitaine de ce dernier d'aller livrer sa cargaison à Bombay. Il devint donc le second ravitailleur de l'Emden. le 10 septembre, il prend le cargo Indus, chargé de vivres, une aubaine. son équipage transféré sur le Markomannia, le navire est coulé. Le lendemain, le cargo Lovat subit le même sort. Plus tard dans la journée, c'est au tour du Kabinga, battant pavillon Anglais mais sa cargaison est américaine, comme peuvent le constater amèrement l'équipage de prise en consultant le livre de bord. De fait, il ne doit pas être coulé, mais servira à recevoir tous les équipages de prise, ainsi plus tard, que la cargaison du petit Charbonnier Killin, également capturé dans la nuit du 14. "L'escadre" de Von Müller compte alors 4 cargos et l'Emden lui-même. Le Killin, après transfert de sa cargaison sur le Kabinga, est coulé. Le 14 dans la journée, c'est au tour du gros cargo Diplomat d'être pris et coulé.

Cependant l'impunité qui jouait jusque là cesse le même jour. Prenant le cargo Italien Loredano, et du fait de la triple alliance, qui fait encore des Italiens des alliés de l'Allemagne, le commandant est obligé à regret de le laisser partir. A présent sur ses gardes, il fait poursuivre sa route à sa petite escadre. Peu après avoir envoyé par le fond le petit roulier Trabboch, Von Müller intercepte enfin le message de TSF qu'il redoutait: Le capitaine du Loredano à parlé, la chasse va commencer maintenant que la position de son navire est connue. Il laisse donc repartir le Kabinga avec tous les équipages de prise à bord. La nouvelle va provoquer l'arrêt du trafic maritime sur ces routes. L'Emden va alors tenter d'attaquer les ports Anglais de la côte Indienne. Le 22 Septembre, il bombarde de 3000 mètres les réservoirs de mazout de Madras. La faible artillerie Anglaise ne peut le gêner, et il repart, et recommence son exploit devant Colombo. Il va jusqu'à couler un grand transport de sucre en rade du port.

Mais un tel tapage attire sur lui comme prévu l'escadre Anglaise. Le commandant décide alors de jouer profil bas en rejoignant la petite île Britannique de Diego-Garcia, une des îles Maurice, très isolée. Comme sur l'île, dont les dernières nouvelles remontent bien avant la guerre. Aussi Von Müller se garde bien de lui annoncer l'état de guerre, et vient en "visite de courtoisie", arborant le pavillon National de paix, et est fort bien accueilli par le gouverneur. Il peut s'y ravitailler sereinement au grand bonheur de l'équipage. En bassin de carénage, il commence à faire peau neuve quand la TSF du bord capte l'arrivée imminente de navires anglais. Il quitte l'île précipitemment, et au cours de l'accrochage qui suit, il perd le cargo Markomannia. Il va alors s'embusquer derrière l'île de Minnikoï, surprendre et couler pas moins de cinq vapeurs Anglais. Les équipages de prises sont transférés sur le sixième.

L'Amirauté Britannique est alors aux abois, car la presse nationale se déchaîne contre les faits d'armes Allemands à l'autre bout du monde. De très nombreux navires de guerre patrouillent sans cesse dans ces eaux que Von Müller décide de quitter et de rallier le détroit de Malacca. Il se présente le 28 octobre avant l'aube devant Georgetown, tous feux éteints. Là, il y a quatre navires Français, l'aviso-torpilleur d'Iberville et trois destroyers. L'un d'eux, le Mousquet, qui patrouillait, ne s'est rendu compte de rien. Il y a aussi dans la rade le croiseur Russe Jemtchoug. Arrivé à bout portant au milieu de la rade, le commandant de l'Emden fait hisser le pavillon de guerre. Alors que les équipages dorment encore, une torpille vient éventrer le Jemtchoug. mais ce dernier restant à flot, toutes les pièces d'artillerie entrent alors en action et le navire de retrouve bien vite incendié de la proue à la poupe. Son équipage parvient cependant à mettre en batterie ses pièces de 120 mm et riposte. L'Emden va alors lui décocher une seconde torpille qui le touche au niveau de la soute à munition. Le croiseur Russe saute et coule en quelques dizaines de secondes.

Ayant fait descendre son pavillon, le commandant de l'Emden fait croire par morse au D'Iberville, en révision, que la canonnade est une méprise, et il n'est pas inquiété. Mais lorsque le feu reprend sur le Jemtchoug, le capitaine qui observe la quatrième cheminée factice du croiseur blanc se rend compte avec effroi de son erreur et sonne le branlebas. Mais l'Emden est déjà trop loin pour les canons de l'aviso. En s'éloignant de la rade, il devait arraisonner le paquebot Glen Turret lorsque le Mousquet rentrant de sa patrouille le surprend. La disproportion des moyens offensifs fait que le Mousquet est en très mauvais posture. Trop près pour fuir et trop loin pour agir efficacement, son capitaine décide de courir à distance de torpillage. Le feu Nourri de l'Emden ne va pas lui laisser le temps d'approcher. Après un quart d'heure de lutte, le Mousquet sombre au large du port. Pendant ce temps, on active les feux du second destroyer, le pistolet. Lorsque celui-ci parvient à quitter la rade, il est trop tard, l'Emden à disparu, et au bout de quelques heures il doit renoncer à sa poursuite.

L'Emden rejoint ensuite les îles Cocos. Il y a là une île qui possède une station de TSF que Von Müller veut détruire afin de se ravitailler sans être inquiété. Mais un message à le temps d'être lancé lorsque le croiseur Allemand se présente. Son signalement est donné aux croiseurs Australiens Melbourne et Sydney, qui escortent un convoi non loin de là. L'Ibuki qui les accompagne reste pour garder le convoi. Fonçant à tout vapeur, les deux navires arrivent en vue des Cocos à peine une demi-heure plus tard. Alors qu'une compagnie d'infanterie Allemande débarquée tente de couper les câbles de TSF sur l'île Direction avec les moyens du bord, le croiseur Australien Sydney se présente et tire une première salve de ses pièces de 152 mm, trop longue. Largement supérieur en artillerie, il ne peut que terrasser l'Emden qui n'a d'ailleurs pas la ressource de fuir. Ce dernier va alors tenter de se rapprocher pour ouvrir le feu de ses pièces principales à la portée inférieure, et font mouche mais sans graves conséquences pour le navire Australien qui riposte très efficacement. La salve qui suit fauche le poste de télémétrie de l'Emden dont les tirs se dérèglent. Lorsque l'Emden tente à nouveau de se rapprocher, le Sydney se dérobe à ses canons par sa vitesse et peut répliquer sans être inquiété.

Mais à chaque salve qui affaiblit l'Emden, les pertes ne sont pas remplacées. En effet, la compagnie de Von Mücke, le second débarqué avec ses cinquante hommes sur l'ïle, n' a pas eu le temps de rembarquer et c'est avec rage et impuissance, qu'ils suivent de la plage ce combat inégal au large. Lorsque toute l'artillerie de l'Emden est neutralisée, ses cheminées culbutées, ses machines percées, sa barre bloquée et sa vitesse quasi nulle, le corsaire Allemand est condamné. Faisant eau de toute part, son commandant décide de le faire échouer sur les récifs de North Keeling. Le commandant Glossop, du Sydney, se rapproche encore, et après une première injonction de se rendre, d'abord refusée, et deux salves encaissées, il voit enfin avec satisfaction le pavillon blanc amené à la place de celui de guerre.

Mais le Sydney ne reste pas. Il repart vers l'île de Direction afin d'y envoyer une compagnie de fusiliers en découdre avec les hommes de Von Mücke. Mais ces derniers ne l'ont pas attendu: Peu avant, ils ont pris d'assaut la goélette du gouverneur, et ont fait voile avec toutes les vivres embarquées vers l'île de Sumatra qu'ils rejoignent le 24 novembre. Tandis que les hommes restés sur l'Emden sont fait prisonniers, ceux de la goélette Ayesha se voient refuser toute aide par les Hollandais, mais embarquent dans un vapeur Allemand qui y fait halte. Ce dernier les débarque quelques jours plus tard près de Bab-el-Mandeb, et la compagnie de Von Mücke part pour un extraordinaire voyage à pied et en chameau en traversant toute l'Arabie en réussissant au bout de plusieurs semaines à joindre Constantinople. De là, c'est en train qu'ils peuvent enfin, au début de 1915, rejoindre l'Allemagne...

La bataille de Coronel (1er novembre 1914)



L'escadre Allemande d'extrême-Orient s'apprête à quitter Valparaiso le 3 novembre 1914, après la bataille. (Image TDP - Wikipedia).

En dehors de l'affrontement à Héligoland, somme toute limité dans ses résutats, la première bataille de Coronel resta la plus grande survenue avant la fin de l'année 1914. Elle avait pour acteur un aristocrate Prussien de la vieille école, devenu un héros national dans son pays après son épopée à l'autre bout du monde: Le comte (Graf) Maximilian Von Spee. Cet homme, né au Danemark en 1861 et qui passa presque toute sa carrière en Afrique était devenu contre-amiral à 49 ans. Il en avait 53 lorsqu'il allait livrer en quelques mois les deux batailles de sa vie. Promu Vice-amiral en 1912 il se vit confier l'escadre d'extrême-Orient, composée de navires pour partie désuets, des croiseurs-cuirassés et croiseurs légers, basés à Tsing Tao, le vieux comptoir commercial Allemand en Chine. En juin 1914, loin des bruits de guerre, l'équipage des deux croiseurs-cuirassés était tout à l'enthousiasme d'une belle croisière dans les eaux turquoise du pacifique sud. Puis par TSF, il se voit demander de revenir à la colonie. Au moment de la déclaration de guerre, tout ce qui n'était pas nécéssaire au combat fut débarqué, et les croiseurs qui en avaient le temps devaient être repeints en deux tons de gris, troquant leur belle livrée coloniale blanche et chamois. Mais le rique était sérieux: l'escadre ne pouvait rester sur place de peur de se voir détruire au mouillage ou retenu et interné en rade par les flottes alliées coalisées, Anglais, Australiens, Russes et Japonais.

Le comte Von Spee, commandant l'escadre Allemande d'extrême-Orient et l'amiral Sir Charles Cradock.

Il prépara l'appareillage d'une partie de son escadre, qui comprenait alors les deux croiseurs-cuirassés de la classe Scharnhorst ( Scharnhorst et Gneisenau ), les croiseurs légers Nürnberg, deux Dresden ( Dresden et Emden ), et le vieux Leipzig. Le reste de l'escadre comprenait des navires de moindre tonnage, quatre canonnières de la classe IItis, et trois canonnières fluviales, les Tsingtau, Otter et Vaterland, le torpilleur S90 et le ravitailleur Titania. Après avoir réuni tous les officiers dans le carré du Scharnhorst qui portait sa marque, il discuta des meilleurs options possible. Il pouvait tenter de rentrer en Allemagne et ajouter ses forces à la Hochseeflotte, mais le rique était bien trop grand eu égard à la proximité de la Grand Fleet et à plusieurs routes étroitement surveillées aux abord de la mer du Nord. Il pouvait aussi tenter d'entreprendre une guerre de corsaire pour affaiblir le trafic allié sur toutes les mer du globe, en particulier dans l'hémisphère sud mal défendu. Cette option semblant la moins risquée et la plus prometteuse, et éventuellement passer le cap Horn et porter la guerre en Atlantique. C'est un véritable convoi de plus de vingt navires qui avait pris forme, en comptant les 5 croiseurs (l'Emden s'était détaché du groupe le 14 août pour livrer sa propre guerre de course dans l'océan indien et faire diversion). Von Spee mesurait les risques pris: Il traversait le pacifique sud, immense, mais à 10 noeuds pour économiser le charbon et il devait rester au rythme des plus vieux vapeurs civils.

Mais à bord des navires Allemands, les marins rêvent d'en découdre. Von Spee confère encore avec les officiers et décide de tenter un raid sur les îles Samoa avec ses deux croiseurs-cuirassés, fraîchement occupée par les Britanniques, où l'on espère trouver quelques bâtiments Anglais au mouillage. Il survient à l'aube du 14 septembre, mais pour constater que la rade d' Apia est vide et que le drapeau Anglais flotte sur la ville. En dehors d'un bombardement qui nuirait plus à ses concitoyens occupés qu'aux troupes Britanniques, il ne peut envisager sérieusement de reprendre la ville avec ses seules troupes de marines. A contrecoeur, il se résoud à changer de cap et décide de rejoindre Tahiti afin de bombarder Papeete où réside quelques navires Français. Il y parvient le 22 septembre, à l'aube. Les navires Allemands ne sont pas attendus, mais les deux croiseurs-cuirassés doivent manoeuvrer entre les hauts fonds pour se présenter en ligne de bataille, et les Français évacuent la ville et préparent les maigres "batteries côtières" disponibles: Ce sont celles de la canonnière Zélée, un élégant navire mixte, qui ont étées débarquées et placées à terre et camouflées. Elles tirent quelques coups de semonce, mais se taisent pour éviter d'être repérées lorsque les deux bâtiment Allemands répliquent avec leur artillerie lourde. Von Spee pense cette fois faire débarquer une compagnie de marine, étant donné qu'il pense avoir affaire à une faible garnison - ce qui est vrai. Les Français tentent alors de saborder la Zélée en travers de la passe, et celle-ci est coulée, tout en l'obstruant. Les tirs longs tombent dans la ville, en proie à l'incendie. Von Spee se rend compte qu'il ne pourra plus débarquer ses troupes, ravitailler en charbon et en vivres, et se retire.

Son objectif final reste de rejoindre le Chili, de s'y ravitailler, puis de passer le cap Horn avant de s'engager dans une guerre au commerce bien plus fructueuse dans l'Atlantique. Les Britanniques, qui reçurent le signalement de l'escadre après des escales, se préparent donc à lui barrer la route. Laissant le reste du convoi et s'être ravitaillé largement, les trois croiseurs légers Allemands (Nürnberg, Leipzig, Dresden), rejoignent les deux croiseurs-cuirassés. Très loin de là, à Port Stanley, aux îles Malouines, une escadre attend les ordres du contre-amiral Sir Christopher Cradock ( qui inspira Hergé pour son fameux capitaine Haddock ). Surnommé le "vieux Gentleman", c'est lui aussi un vieil aristocrate raffiné, que Von Spee avait bien connu personnellement lors de ses escales en temps de paix. Les deux hommes se connaissent et se respectent. Mais chacun à ce moment s'apprête à faire son devoir. L'escadre de Cradock est la seule qui peut s'opposer aux navires Allemands. Elle se compose du croiseur-cuirassés Good Hope, du Monmouth, du croiseur léger Glasgow et du croiseur auxiliaire Otranto. Ce dernier est un paquebot converti en transport, moins rapide que les autres navires de la flotte. Malheureusement, cette escadre comprenait également le vieux cuirassé Canopus, mais ce dernier dont la chauffe est longue, n'appareillera que plus tard. Qui plus est, il ne pouvait faire que 12 noeuds et se fera largement distancer.

Le Scharnhorst - Cliquez p. agrandir.

Cradock est informé depuis le début du mois d'octobre de l'imminence de l'arrivée des Allemands. Il demande alors à l'amirauté des renforts, qu'on lui refuse: Les autres navires doivent êtres gardés en réserve de l'autre côté du Cap Horn, au cas où celle-ci passait en force. Mais l'amiral ne se fait guère d'illusion sur son sort: Il fait creuser un "tombe" dans le jardin du gouverneur des malouines et y dépose ses médailles, sachant que sa sépulture probable serait au fond de la mer. Il rédige son testament, fait ses adieux à sa famille et le lendemain, s'embarque sur le Good Hope. Son escadre appareille le 22 octobre, met le cap au sud-ouest, passe le cap Horn, puis met le cap au nord. Il sait alors que les Allemands disposent de deux croiseurs-cuirassés, mais entre-temps l'escadre fut renforcée des trois autres croiseurs. Cela leur donne un net avantage: Le Good Hope dispose sur le papier de pièces plus puissantes ( 240 mm ) mais ils sont anciens et ne peut offrir qu'une salve pour deux Allemandes. Quand au Monmouth, il est l'un des croiseurs-cuirassés les moins protégés de la Royal Navy, une expérimentation malheureuse imposée par des coupes budgétaires. Le Glasgow est assez bien armé et rapide, mais moins efficace dans le gros temps, et enfin l'Otranto n'a presque aucune valeur militaire. Pire, ses navires sont composés d'équipage de réservistes hâtivement mobilisés et insuffisamment formés...

Le 31 Octobre, Von Spee fut avisé par TSF qu'un croiseur Anglais avait été aperçu entrant dans le port de Coronel au Chili. Il rallie alors directement la zone, venant depuis le nord-est du pacifique, et laissant le Nürnberg en arrière, longeant la côte Chilienne en espérant l'intercepter à sa sortie. Le landemain, en fin d'après-midi ( 16h20 ), les guetteurs du Scharnhorst aperçoivent trois bâtiments qu'ils finissent par identifier comme des croiseurs Britanniques. Ce sont le Monmouth et le Glasgow suivi de l'Otranto, qui filent ouest-nord-ouest, rejoints par le Good Hope à 17h20, qui prend la tête de la ligne de bataille, avant de changer de cap et de se présenter sur une route parralèle aux Allemands. Les pavillons de guerre sont dressés aux mâts, et Von Spee prépare ses navires pour la bataille. La mer est alors très agitée, gênant les veilleurs des deux flottes, et la configuration n'est pas nettement à l'avantage des Allemands: Les navires Britanniques viennent en effet du sud, se trouvent au large par rapport aux allemands, venant du Nord et rangés en ligne le long des côtes. Il est alors 18h20. Avec l'obscurité tombante, les Allemands ont encore la lumière du soleil qui aveugle leurs objectifs de télémétrie, tandis que les Britanniques voient encore bien la silhouette métallique des navires se découper sur les falaises sombres du Chili. Von Spee le sait, et n'a de cesse de prendre du champ pour rester hors de portée. les Britanniques se rapprochent, mais avec le soleil couchant, la situation s'inverse: Cette fois les navires Allemands, bas sur l'eau sont plongés dans l'obscurité et se confondent aux falaises, tandis qu'à contrario les navires de Cradock se découpent mainenant en ombre chinoises sur l'horizon, une cible de choix pour les canonniers des deux croiseurs-cuirassés qui passent pour les meilleurs de la flotte.

A 18h34, le Scharnhorst, en tête, ouvre le feu sur le Good hope, tandis que le Gneisenau qui suit immédiatement s'en prend au Monmouth, et le Dresden au Glasgow. Le Nürnberg est encore loin derrière. Cradock aurait espéré pouvoir encore semer les navires Allemands et rejoindre le Canopus, ce qui lui aurait donné un avantage décisif, mais les Allemands se tiennent précisément entre lui et la côte. Le combat tourne rapidement à l'avantage des Allemands qui à la troisième salve mettent HS la tourelle avant du Good Hope. Le Monmouth est également touché, et perdra également sa tourelles avant un peu plus tard. L'Otranto, pour ne pas être une victime inutile, s'éloigne de la bataille. Quand aux deux croiseurs légers qui s'affrontent en queue de ligne, leurs coups ne portent pas du fait de la mer démontée. Le combat devient acharné mais sur les deux croiseurs-cuirassés Britanniques en feu, tous les organes de communication sont détruits. Les chefs de pièces tient au jugé. La distance est maintenant tombée à 6000 mètres et l'obscurié s'est accrue, le tir des Allemands se fait plus dévastateur. L'artillerie secondaire des navires Anglais ne peut entrer en action, car trop basse sur l'eau, elle est condamnée par la houle.

A 19h00, la distance est tombée à 5000 mètres. Von Spee décide de prendre un peu de champ, craignant une attaque à la torpille. Le Gneisenau est d'ailleurs touché sans gravité par le Monmouth (les trois blessés Allemands de la bataille). A 19h20, le Scharnhorst donne le coup de grâce: Un de ses obus s'abat entre les cheminées 2 et 3 du Good Hope qui explose et sombre en quelques instants. Il n'y aura aucun survivant. Comme il le pressentait, le "vieux Gentleman" à suivi son équipage jusqu'au bout... Du côté du Monmouth, les choses ne sont pas bonnes non plus. Il s'éloigne, profitant de la nuit tombante, à faible vitesse.

La bataille inégale est alors proche de sa conclusion. Le Monmouth profite de l'attention reportée un moment sur le Good Hope pour tenter de s'échapper et d'éteinde ses incendies, de même que le Glasgow, à la faveur de l'obscurité. Le commandant de ce dernier proposa alors au Monmouth de le prendre en remorque, mais ce dernier refusa, préférant voir le Glasgow s'échapper plustôt que de risquer d'être pris tous les deux en mauvaise posture.... A 20h50, le Monmouth tente de gagner la côte à petite vitesse, la coque fumante et criblée de trous béants donnant de la bande. C'est alors que le Nürnberg qui vient de rejoindre la bataille, le découvre mais est incapable de le reconnaître. L'équipage, plutôt que d'abattre le pavillon pour se voir recueillir, décident de lutter jusqu'au dernier homme. Ils n'ont presque plus de canon qui ne soit hors d'usage mais braquent un de leurs projecteur sur leur pavillon de guerre. Le Nürnberg ouvre alors le feu à bout portant et achève le navire Britannique qui sombre rapidement. Lui non plus n'aura aucun survivant: Les Allemands se défendront plus tard de leur non-assistance en plaidant l'impossibilité de les secourir de nuit, dans le gros temps, et craignant la venue possible de renforts... Après ce désastre, il ne restait plus qu'un seul navire de l'escadre de Cradock, hormis l'Otranto, jugé insignifiant. Il s'agissait du Glasgow, touché cinq fois mais sans gravité, et qui entama une longue boucle afin de se rabattre sur la route du Canopus qui arrivait.

Les deux navires ne trouveront pas Von Spee dans l'obscurité, et l'escadre Allemande se repliera sur Valparaiso. Le comte sabra le champagne au carré des officiers du Scharnhorst tandis que le Schnaps coulait à flot pour les matelots fous de joie: Pour la première fois depuis plus d'un siècle, la Royal Navy essuyait une défaite sur mer. Celle-ci était d'autant plus cinglante que l'escadre entière n'avait que trois blessés à déplorer. Quant aux avaries, elles pouvaient êtres réparées en quelques heures... Pour ce faire, il fit escale à Valparaiso du 2 au 3, respectant les 24 heures réglementaires pour tout belligérant dans un port neutre, aprés avoir fait le plein de charbon et de vivres. Toutefois Von Spee regrettait de n'avoir pu retrouver le Glasgow et parachevé son travail et craignait toujours les 305 mm du Canopus qui le cherchait. Il entamera alors une prudente course au commerce dans le pacifique sud, renonçant provisoirement à passer par le cap Horn.

Du côté Britannique, c'est la stupeur: Le 2 novembre, toutes les manchettes de journeaux font leur une sur la disparition de l'escadre du cap Horn et de son célèbre amiral. La chambre des communes est agitée, exige des explications de l'amirauté. Mais celle-ci à changé d'état d'esprit depuis que Lord Fisher a été nommé - la veille de la bataille - premier lord de la mer à la place du vieux prince de Battenberg. Avec sir Winston Churchill, il décide de "reprendre les choses en main". En effet, Von Spee menace les routes du nitrate du Chili (vital pour les obus anglais) et de la viande d'Argentine, qui fournit la moitié des besoins de la population. La suite, c'est la "bataille des malouines".

La bataille du cap Sarytch (18 novembre 1914)

Prologue: De nouvelles recrues pour la flotte Turque

. En août 1914, la déclaration prenait au dépourvu toutes les unités Allemandes stationnées hors de la métropole. Il s'agissait d'abord de l'escadre du pacifique sous les ordres de Von Spee (voir batailles de coronel et des malouines), mais aussi du croiseur Königsberg et de la vieille canonnière Geier en Afrique de l'est, des Panther et Eber en Afrique de l'ouest (Cameroun), des Condor et Cormoran en océanie, et de l'escadre Allemande de méditerranée, stationnée à Dar-es-Salaam (Voir "la fuite du Goeben"). Les deux navires Allemands, un croiseur de bataille et un croiseur léger, se trouvaient réfugiés à Constantinople depuis le 10 août et officiellement intégrés à la marine Turque depuis le 16, avec pour conséquence l'entrée en guerre de la Turquie aux côtés des empires centraux. Le Goeben sera rebaptisé Yavuz Sultan Selim plus tard, mais le Breslau devint presque immédiatement le Midilli. L'équipage restait le même, mais les officiers avaient troqué leur casquette contre le fez. Les deux batîments portaient le pavillon rouge à croissant de la "sublime porte".

La bataille :

Les deux bâtiments étaient désormais le fer de lance de la flotte Turque. Ils pouvaient s'en prendre au trafic marchand en mer noire, et frapper la crimée et les côtes Russes en bombardant les fortifications côtières. Un raid de la flotte Turque contre Sébastopol n'était plus désoirmais inenvisageable... La flotte de la mer noire, elle, était commandée par le Vice-amiral Andrei Augustovitch Ebergard (ou Eberhardt). Elle se composait des cuirassés pré-dreadnoughts Evstafi, Ioann Zlaloust, Pantelimon (l'ex-Potemkine), Tri Sviatitelia, et Rostislav, et plusieurs croiseurs. On avait entraîné les équipages des cuirassés à la technique de concentration du tir de plusieurs bâtiments sur un seul, leçon retenue à ses dépends de la guerre Russo-Japonaise, et qui exigeait l'utilisation d'un des cuirassés comme "maître de tir", placé au centre de la ligne et corrigeant le tir des autres bâtiments par radio.

Le 29 octobre, les relations diplomatiques entre la Turquie et la Russie étaient rompues. Si la flotte Turque, désormais renforcée, était maintenant plus menaçante, les Russes attendaient l'achêvement de trois dreadnoughts modernes qui devaient rétablir la balance (les Imperatritza Mariya). Le 15 novembre, Eberhardt rassemblait ses forces à Sébastopol (5 cuirassés et les croiseurs Pamiat Azovia, Almaz et Kagul, ainsi que 13 destroyers) et apareillait pour effectuer un raid sur les fortifications de Trébizonde. Il y arriva le 17, bombarda la côte, puis la remonta pour trouver d'éventuels navires ennemis au mouillage. Faute d'en débusquer, il changea de cap pour Sébastopol. De son côté l'amiral Souchon, qui commandait le Goeben, savait qu'un raid contre les Russes serait relativement aisé, Russes qu'il estimait minés par les troubles subséquents à la mutinerie de 1905, et commandés par des officiers de piètre valeur, qui plus est dotés de bâtiments lents et obsolètes. Informé par le QG de Constantinople du raid de la flotte Russe, il appareilla à 15h30 en espérant l'intercepter.

Il remonta la côte Anatolienne, commença par mettre le cap sur Sinope, mais reçut par TSF la nouvelle du changement de cap d'Eberhardt vers Sébastopol. Il mit également le cap plein nord en espérant rattrapper sa flotte: En effet, le Goeben et son matelot le Midilli pouvaient sans problème dépasser les 25 noeuds. Mais Souchon estimant que la flotte Russe devait naviguer au rythme des plus lentes unités, comme le Vieux Tri Sviatitelia, il se contenta de 15 noeuds, ménageant ses réserves de combustible. Au matin du 18, Souchon était en vue de la crimée, par un brouillard très dense. Il fit envoyer le Midilli en éclaireur, lequel força son allure à 18 noeuds. De son côté l'amiral Russe avait réparti ses forces comme suit: Il avait placé en avant-garde ses trois croiseurs en une ligne (Pamiat Azova, Almaz et Kagul), puis suivaient 6,4 km derrière la ligne de bataille de ses cuirassés, le navire-amiral Evstafi suivi des Ioann Zlatoust, Pantelimon, Tri Sviatitelia et Rostislav. Ces deux derniers étaient lents, et lorsque l'amiral donna l'odre de monter la vitesse à 14 noeuds, l'écart qui existait entre les navires (457 mètres) ne fit que se creuser. La ligne de cuirassé était suivie et encadrée par les deux files de destroyers.

Vers 12h10, le Midilli et l'Almaz s'aperçurent en même temps. Les deux unités firent volte face pour retourner au gros de leur flotte. Les croiseurs russes s'écartèrent ensuite du gros des forces et le Goeben mit le cap à l'est-sud-est pour se trouver face à la ligne Russe. Les deux lignes arrivaient en effet frontalement. Mais si la tension et l'enthousiasme étaient palpables à bord du Goeben, l'amiral Eberhardt était fort inquiet de son côté: Le navire de ligne adverse n'était toujours pas visible. Sur le papier, l'Evstafi et les deux cuirassés qui suivaient immédiatement disposaient de 12 pièces de 305 mm de modèle ancien contre les 10 de 280 du Goeben, le dernier cri des fonderies Krupp, moins puissants mais plus rapides au point de pouvoir délivrer presque deux salves pour une. Le blindage des cuirassés Russes avait été défini avant la guerre Russo-Japonaise et était donc mal agencé, tandis que le Goeben disposait d'un réduit blindé de 220 mm interne courant sur toutes les parties vitales du navire, et bien que théoriquement moins protégé, avait pour lui sa vitesse d'évolution infiniment supérieure. Enfin, dans la tactique Russe de concentration des tirs, c'est le second cuirassé, le Ioann Zlaloust, qui devait par radio corriger le tir des deux autres.

Le commandant Galanin, qui dirigeait le cuirassé de tête, s'impatientait de ne pas voir l'amiral ordonner la manoeuvre classique consistant à "fermer le T", c'est à dire à virer de bord tous ses navires dans une course perpendiculaire à celle présumée tenir son adversaire afin de lui présenter une pleine bordée de flanc de tous ses cuirassés. La manoeuvre en effet devait être ordonnée rapidement pour avoir le temps d'être éxécutée par des bâtiments ne dépassant pas les 15 noeuds... Mais Eberhardt hésitait. Il ne voulait pas risquer d'exposer ses navires en pleine manoeuvre alors que le croiseur de bataille Allemand pouvait forcer l'allure et arriver d'une route légèrement différente à celle prévue, mettant à profit à la fois le brouillard et sa vitesse, contourner la ligne Russe et se rabattre sur son arrière avant d'engager successivement ses unités en commençant par les plus faibles, en queue, et alors même que la ligne de tir de ses navires se trouvaient en angle mort... A bord du cuirassé Ioann Zlaloust, le bâtiment de contrôle du tir de toute la ligne, et qui suivait à 450 mètres, on ne voyait pas le changement de course de l'Evstafi, ni non plus le navire Allemand, tellement le brouillard était dense.

Le Goeben, de son côté, avait repéré le navire de tête et à son tour tentait de lui "barrer le T" en mettant cap au sud, afin de lui présenter toute sa batterie. La distance était tombée à 7040 mètres, et Eberhardt, au grand soulagement de ses hommes décida qu'il ne pouvait attendre d'avantage et ouvrit le feu, à approximativement 12h20. Seule sa tourelle avant donna de la voix, car sa manoeuvre pour se placer en parrallèle n'était pas encore achevée. Lorsque sa tourelle arrière entra dans la danse, il fit également donner toutes ses pièces de batterie secondaire au vu de la distance, laissant croire au Goeben qu'il était canonné par toute la ligne de cuirassés Russes !. Du côté du second cuirassé, on voyait bien l'Evstafi et ses départs de feu, mais pas le navire Allemand. Les télémétristes donnèrent un premier rapport erroné, estimant le Goeben à 11 000 mètres. Il ouvrit le feu suivi par le Tri Sviatitelia, dont les coups tombèrent bien sûr trop long, tandis que le Pantelimon y renonça provisoirement, et que le Rostislav engageait le Midilli qu'il pouvait aperçevoir.

Les rapport Allemands et Russes divergent sur certains points de la bataille, mais il semble que c'est le cuirassé Russe Evstafi qui tira le premier, avec une bonne visée puisque le Goeben fut touché à deux reprises au niveau de son franc-bord. De plus le Goeben tarda à régler sa hausse du fait que les navires Russes avançaient maintenant parrallèlement à la côte, s'y confondant avec le brouillard. Mais dès lors qu'une solution de tir fut trouvée, la première salve tomba trop long, bien qu'un obus fracasse la cheminée avant, mettant du même coup knock-out le poste de visée radio, empêchant durant tout l'engagement au navire-amiral en tête de corriger le tir des autres unités qui suivaient. Sa seconde salve tomba trop court, mais les deux suivantes mirent deux coups au but chacune. Le navire Russe de son côté répliquait avec des pièces secondaires puissantes, des 203 et 150 mm, alors même que la batterie du Goeben ne comportait que des 150 mm, qui semble-t'il n'entrèrent pas en action. Le Goeben, à la stupéfaction de Souchon qui sous-estimait grandement les Russes, fut frappé par quelques autres impacts, sans grande gravité (les rapports postérieurs Allemands sont vagues).

C'est alors que la distane avait décru à 6000 mètres, vers 12h35, le Goeben disparut de la vue du cuirassé Russe de tête. Il s'était éclipsé à la faveur de la brume. Bien que ce fait ne soit pas en son honneur, il est difficile de croire que Goeben ait voulu intentionnellement rompre le combat à la faveur du brouillard, qui s'était épaissi. Il devait craindre également la proximité des batteries côtières de Sébastopol, car sa course parallèle aux Russes le conduisait à présent droit sur elles. Toujours est-il que 10 minutes plus tard, Eberhardt donnait l'ordre à toue l'escadre de gagner le port. Les rapports Allemands faisant état de l'action du cap Sarytch attesteront que seuls 19 obus de 280 mm avaient étés tirés au cours de l'engagement. La casemate bâbord avait étée touchée de plein fouet par un coup de 305 mm, et la pièce mise HS, ses servants tués sur le coup. Il est possible que l'acuité et la densité du feu Russe ait décontenancé Souchon. Il est vrai aussi que la portée de ses pièce n'était pas inférieure mais il avait le dessous de la visée du fait de sa position par raport à la côte et que le brouillard était effectivement trop épais pour poursuivre l'engagement avec succés. Factuellement, et quelque soit l'opinion que les Allemands avaient alors des Russes, un croiseur de bataille ne pouvait affronter 5 cuirassés et espérer en sortir indemne ! ... On songe ce qu'il serait advenu si le temps avait été au beau fixe, ce qui est fréquent en mer noire.

Au final, le Goeben s'en sortait plutôt bien: Si le magasin à munition de 150 mm situé sous la casemate touchée avait pris feu, l'explosion qui se serait ensuivie aurait été catastrophique. Il y eut environ 16 victimes du côté Allemand, 33 morts et 25 blessés du côté Russe. La casemate fut vite réparée, car le Goeben effectua une autre sortie dès le 6 décembre, mais son activité se fit plus modeste jusqu'à la fin de la guerre. Du côté Russe on ne pouvait parler de victoire. Eberhardt devait pester contre le brouillard puisqu'il avait eu une occasion unique de pouvoir couler le bâtiment Allemand grâce à une claire supériorité de feu...

La bataille des Malouines (8 décembre 1914)

Lorsque la bataille de Coronel s'achevait, Von Spee avait infligé à la Royal navy une défaite cinglante, quoique aux implication peu évidentes. Le but de l'amiral Allemand était de faire passer son escadre en Atlantique sud où il comptait attaquer le trafic commercial de la Grande-Bretagne avec les pays sud-américains et notamment l'argentine (viande) et le Chili (nitrate), ainsi éventuellement de rejoindre la flotte métropolitaine. La flotte des malouines de l'amiral Cradock ayant étée détruite, la route était libre pour Spee, qui après un court arrêt à Valparaiso où il embarqua de nombreux Allemands expartiés (pour un retour en Allemagne ?), et après avoir consulté le commandement, par l'intermédiaire de l'ambassade, qui le mit en garde contre son projet, il mettait cap au sud. Chemin faisant, il captura quatre grands voiliers, avant de passer le cap Horn avec toute son escadre le 2 décembre. La route initiale passant à 100 milles au sud pour éviter d'être repéré depuis la côte dût être abandonnée du fait que les croiseurs légers encaissaient de très rudes coups de mer, au poinr que l'on dût jeter par-dessus bord des tonnes de charbon pour alléger les coques et éviter les effets "soc de charrue". L'escadre revint donc à 20 milles de la côte, et passa par un temps moins agité.

Pendant ce temps, le tollé provoqué par la défaite de Coronel provoqua un changement de personnes dans l'amirauté: Fisher en prenait la tête comme premier Lord, établissant immédiatement un plan consistant à rejoindre les Malouines avec des forces supérieures. Il mobilise pour ce faire les deux croiseurs de bataille Invincible et Inflexible, plus le Queen Mary qui est envoyé aux Antilles afin d'intercepter Von Spee q'il réussissait à passer au travers du dispositif Britannique. Enfin, la flotte de la méditerranée, tout au moins la part basée à Gibraltar, opérations aux Dardanelles oblige, est mobilisée pour intercepter les forces Allemandes en cas d'une tentative de passage en Atlantique Nord... La Royal Navy sollicite donc la moitié de ses croiseurs de bataille, et les deux précités, commandés par le vice-amiral Sturdee, mettent le cap sur les Malouines. Fisher pense en effet que Von Spee doit probablement essayer de prendre les malouines pour s'y établir afin de lancer des raids sur le trafic Anglais. Il est donc vital d'y arriver avent lui. De plus, les autorités sur place envoient un message de TSF, capté par Spee, confirmant le départ du cuirassé Canopus pour l'Afrique du sud où aurait éclaté une révolte. Le message est un faux, et Spee, après avoir traversé le cap Horn, et capturé un voilier Britannique pour se ravitailler en charbon, perdant trois jours et laissant la flottille de vapeurs auxiliaires dans le dédale des îles de la terre de feu, mit le cap sur les Malouines qu'il pensait effectivement pouvoir dévaster et prendre Port Stanley grâce à un corps expéditionnaire.

Or, le 7 à 10h30 du matin, l'escadre de Studee arrivait aux Falklands, avant Spee, qui courut, sans le savoir, dans un piège. Aussitôt les navires charbonnent car Sturdee se voit demander par Fisher de reprendre la mer à la recherche de l'escadre Allemande dès que possible. Ce que Spee sait par contre, c'est qu'une escadre Japonaise est à ses trousses depuis le Pacifique, et qu'il n'y a pas de retour possible. Sturdee, qui ignore le passage de Spee le 2, pense encore le trouver avant son passage du cap Horn. Il fait encore procéder au charbonnage de ses navires lorsqu'à 7h30 du matin le 8 décembre, les fumées noires de l'escadre Allemande sont repérées par une vigie Anglaise. Aussitôt c'est l'alerte, mais les navires sont en fâcheuses posture, leur charbonnage n'est pas terminé, leurs machines sont froides, des barges sont à couple... Mais Von Spee n'avait à ce moment que son avant-garde engagée, avec le Gneisenau et le Nürnberg, et doit encore attendre le reste de ses unités. de plus, du lage, il ne voit pas quels navires sont présents. Du côté Britannique, seul le HMS Canopus est disponible immédiatement pour l'action, les croiseurs légers Bristol et Glasgow et les croiseurs-cuirassés Carnarvon, Cornwall et Kent, charbonnant. A 9h20, le Canopus, que l'on avait volontairement échoué sur un banc de sable avec la marée pour profiter de la stabilité, ouvrait le feu à 11 000 mètres tandis que partout ailleurs, on se préparait fébrilement à l'action... Spee avait là une occasion unique changer les choses en coulant le Kent, charbonnant parallèlement à la sortie de la rade, qui aurait pu bloquer Port Stanley. Rejoint par le reste de ses forces, il aurait pu bombarder l'escadre Anglaise prisonnière tout en gardant sa mobilité.

Néanmoins les choses ne se passèrent pas ainsi: Hans Pochammer, capitaine de vaisseau à bord du Gneisenau, signala à Von Spee la présence des deux croiseurs de bataille Anglais, reconnaissable à leurs mâts tripodes. Il faisait un temps superbe et la visibilité était parfaite. Désormais, tous les navires s'étaient libérés de leurs amarres et remontaient lers ancres, tandis qu'une fumée noire montait au-dessus d'eux. On peut imaginer l'effet produit par septs panaches noirs, alors que Von Spee avait escompté ne pas trouver un seul navire à Port Stanley ! L'amiral Allemand savait que ses unités n'étaient pas de taille à affronter le croiseurs de bataille nettement plus puissants et plus rapides que lui. Le Canopus tirait de derrière une colline, il était donc invisible aux navires de Spee, et fit gagner un temps précieux à Sturdee. Lorsqu'enfin le Kent mit le cap sur la sortie du port, toute l'escadre le suivit. A 10h00, le pavillon "chasse générale" montait au mât de l'Invincible, et l'escadre Britannique allait croisier le fer avec le reste des navires de Spee, arrivée entre-temps. Ce dernier avait renoncé à engager le fer avec le Kent. Conscient de ce qu'il restait à faire, il ordonna aux croiseurs légers de s'échapper. Il allait livrer combat, tout en s'éloignant au large des Malouines avec ses deux croiseurs-cuirassés.

Sturdee dont les deux navires de lignes atteignaient 25 noeuds contre 22 pour les Allemands, rattrapa ces derniers à 12h47, et ouvrit le feu grâce à la portée supérieure de leurs pièces de 305 mm. Les premières gerbes tombent près du Leipzig, mais malgré la vue excellente et la mer d'huile, les télémétristes Anglais son gênés par les torrents de fumée grasse qui sortent des machines poussées à pleine régime. Néammoins, il est plus de treize heures quand le Gneisenau reçoit trois gros calibres. Le toit de la casemate de 210 mm tribord arrière, le pont milieu, et un éclat dans la soute aux munitions que l'on dût noyer en catastrophe... Bien que la distance le permettait, les Allemands ne pouvaient répliquer, leurs cibles étant masquées par la fumée. Ils parviennent cependant à tirer et toucher le HMS Invincible, qui n'eut que des dégâts légers. Plus tard, les deux croiseurs tentent de changer de cap, et les Britanniques semblent ne pas les apercevoir. Les Allemands furent trahis par le HMS Carnarvon qui signala leur nouvelle position. Le combat s'engagea de nouveau, les Anglais tirant à grand angle. Les obus suivaient une trajectoire parabolique, pénétrant les ponts mal protégés. Pendant que les navires principaux en venaient aux mains, Sturdee avait détaché ses trois croiseurs pour chasser le Leipzig et le Nürnberg.

En remontant en parallèle de la ligne Allemande, vers 15 heures, les deux croiseurs de bataille présentaient toute leur batterie, et Spee ne pouvait faire autre chose que de se rapprocher pour pouvoir répliquer, l'exposant encore plus... Vers 15h30 cependant, Spee bénéficie d'un répit inespéré et presque surnaturel: Un grand trois-mâts blanc croise la route des croiseurs de bataille Anglais, qui - code maritime oblige - abattirent pour laisser passer le voilier, qui avait priorité. Ce dernier les remercia courtoisement comme en temps de régate !. Mais quelques minutes plus tard, le tir reprenait de plus belle, Sturdee voulant en finir avant la tombée du jour. A 16h00, les deux croiseurs-cuirassés Allemands sont malmenés, et la proie des flammes, en particulier le Scharnhorst qui porte la marque de l'amiral. Celui-ci, reçevant le tir des deux navires Britanniques, est dévasté, et signale par projecteur au Gneisenau de chercher à s'échapper. A 16h04 sa gîte s'accentue, ses cheminées ont étées toutes abattues et son artillerie muselée...

On ne sait ce qui passa par la tête de Spee à ce moment mais il fit rapprocher son navire-amiral comme pour tenter de lancer des torpilles ou même un éperonnage... Le tir Anglais (toutes les pièces), mettent un terme à sa manoeuvre: A 16h17, il s'enfonça par l'avant et disparut avec ses 795 hommes d'équipage dont les deux fils de l'amiral. Les éventuels survivants furent condamnés à mourir de froid ou à se noyer: Dans leur hâte d'en finir, les navires Anglais continuèrent à pourchasser le Gneisenau. Vers 17h15 ce dernier avait épuisé toutes ses munitions tandis que les coups pleuvaient: Il ne pouvait plus tenir que 16 noeuds et ldes deux croiseurs de bataille se séparèrent, l'Invencible passant par l'avant à 10 000 mètres pour prendre place de l'autre côté du navire Allemand. A 17h20, il était littéralement désarmé et immobilisé, ses soutes submergées. Le commandant Maerker décida de l'évacuer et de le saborder. Le bâtiment Allemand chavira à 17h35, et ses 190 survivants seront repêchés à temps des eaux glaciales, dont le capitaine de vaisseau Pochammer qui racontera la bataille du côté Allemand...

HMS Invincible
Le HMS Invincible (Image Wikipedia TDP)

Mais si la bataille des Malouines semble terminée, pour Sturdee, "the job is'nt done". Il reste encore deux croiseurs légers à retrouver et à envoyer par le fond (Le Dresden à obliqué très tôt cap au sud-ouest). Trois bâtiments sont à leur poursuite, dont deux croiseurs cuirassés anciens. Les Allemands ont bon espoir: Ils ont 12 milles d'avance et la nuit va tomber. Le Kent cependant, qui poursuit le Nürnberg, est moins récent que lui, mais fait marcher ses machines au-delà de leur régime maximal. Les chauffeurs transforment en fournaises les chaudières, et le navire atteint 25 noeuds, pour une vitesse "normale" de 23... De son côté le croiseur Allemand ne peut lutter contre l'usure de ses machines soumises à rude épreuve depuis le mois d'aôut, et l'épuisement de ses hommes.

A 17h30, les jeux étaient faits, le commandant estimant que son navire ne pouvait continuer à fuir d'avantage un ennemi qui commençait à le pilonner. Il changea de cap et engagea le combat. Le duel était à l'avantage du croiseur-cuirassé Anglais, mieux armé et protégé. Malgré cela, le Nürnberg se rapprocha jusqu'à 2700 mètres - c'est à dire à bout portant - pour faire donner toutes ses pièces. En une heure et demie, le navire mit 40 coups au but, mais le bâtiment Anglais bien protégé n'eut que quelques blessés et un mort à déplorer, tandis que le Nürnberg était dévasté.

A 18h30, il avait souffert de deux explosions de chaudières et sa vitesse était tombée à quelques noeuds seulement, tandis qu'il était ingouvernable. A 19h00, il avait épuisé toutes ses munitions et flambait de la proue à la poupe. Le commandant fit amener les couleurs tandis que ses hommes l'évacuait. Le croiseur donnait une bande inquiétante et effectivement à 19h27 il chavira et sombra rapidement. Les survivants, peu nombreux car le duel avait étée une boucherie, ne furent que 17 à prendre place à bord des deux chaloupes restantes du Kent... Ses autres chaloupes avaient étées criblées d'obus pendant le combat et n'étaient pas utilisables...

Le Leipzig avait de son côté à ses trousses le Glasgow, survivant de la bataille de Coronel, qui rattrapa le vieux croiseur Allemand et le pilonna de son unique pièce de 150 mm en chasse. Le commandant du navire Allemand décida alors de laisser tomber volontairement la distance afin de l'engager avec ses propres pièces de 105 mm. Un duel d'artillerie chassant-chassé s'engagea alors, mais grâce à sa vitesse, le navire Anglais parvint à remonter le Leipzig et à se retrouver parralèle à lui, lui offrant toute sa batterie de flanc. Le duel fut rapidement en défaveur de l'Allemand qui encaissa des obus de 152 mm, et encore plus lorsque le Cornwall arriva à son tour. Ce dernier ne disposait pas moins de 14 pièces de 152 mm, et le combat inégal devint une véritable éxécution.

Très vite, le Leipzig perdit sa hune de visée avant puis d'autres organes essentiels comme le central de direction, le poste de barre ne recevant plus que des ordres vocaux relayés en chaîne jusqu'à la fin. Ses pièces furent également "mouchées" les unes après les autres. Mais le Leipzig tint bon devant la pluie d'acier et le duel d'artillerie se poursuivit vaille que vaille pendant encore deux heures... A 19h00, il ne lui restait plus que ses torpilles, mais il ne manoeuvrait plus qu'à 16 noeuds et elles manquèrent leur cible. Le commandant décida alors le sabordage et l'équipage survivant monta sur le pont.

A travers les objectifs du Glasgow, on s'interrogeait: le croiseur n'avançait plus, son équipage, caché par la fumée des incendies, était invisible sur le pont, et aucun pavillon ne montait à la pomme de son seul mât restant... De plus les Anglais ignoraient que le Leipzig avait lancé ses torpilles et qu'il était sans défense. Dans le doute, ils décident d'ouvrir le feu, et y font un carnage. Aussitôt, faute de pavillon, sans doute carbonisé dans sa caisse sur le pont, deux fusées de détresse sont tirées. Les tirs Anglais cessent et des embarcations sont mises à l'eau. Mais avant d'arriver elles voient la carcasse du Leipzig se retourner et sombrer à toute vitesse. Il n'y aura que 18 survivants.

Le Dresden fut en fait le seul à s'échapper. ll parvint à rejoindre la terre de feu et s'y cacha. Il ne sera débusqué que le 14 mars 1915 et sans ordres, sans espoir de faire route sur l'Allemagne ou de trouver une base de départ pour tenter des raids dans l'Atlantique, n'eut d'autre alternative de présenter le drapeau blanc. Le commandant épargna ainsi la vie de ses hommes, évitant un ultime sacrifice inutile. Pour les Britanniques, qui ont lavé l'affront de Coronel, la victoire est totale. Ils n'ont à déplorer que quelques morts et blessés sur l'Invincible, le Kent et le Glasgow et pas une seule perte sur l'Inflexible et le Cornwall. Mais surtout la présence Allemande ailleurs qu'en mer du Nord prend fin, et toute menace sur les lignes de communication de l'empire écartée avant longtemps. Le peu d'unités isolées restantes seront débusquées et coulées, et avant la mi-1915 les seules forces navales restantes seront définitivement confinées à la Baltique et au Skagerrak. Seuls les submersibles tenteront de renverser la situation, avec un bilan discutable puisque la perte du Lusitania entraîna les conséquences que l'on sait...

La campagne des Dardanelles (1915-16)

L'origine : La campagne effective des Dardanelles ne se conçoit qu'après l'entrée en guerre de la Turquie aux côtés des empires Centraux. La saisie des navires Turcs en construction en Grande-Bretagne sans contrepartie et l'apport de l'escadre Allemande de méditerranée ( Contre-amiral Souchon ) à la flotte Turque allaient décider entre autres la "sublime porte" à entrer en belligérance contre les alliés. Le ressentiment contre la Grande-Bretagne, qui avait des intêréts stratégiques au moyen-Orient, fut grandement aidé par les relations privilégiées qu'entretenait le Kaiser avec le sultan Mohammed et Mustafa Kemal. Cela commença par la fermuture du détroit au trafic civil allié en octobre, après l'arrivée des navires Allemands à Constantinople. Le 28, ces derniers, désormais baptisés Yavuz Sultan Selim et Midilli, effectuèrent un raid côtier contre la Russie, s'en prenant à Sébastopol et Odessa, coulant plusieurs bâtiments légers. La réponse fut la déclaration de guerre de la Russie aux Turcs le 2 novembre suivis par les Britanniques le 6. Une offensive terrestre Turque fut entreprise en décembre dans le Caucase, stoppée par les Russes, mais au prix d'une évidente ponction sur les effectifs opposés aux Allemands à l'ouest. En conséquence, le Tsar demanda officiellement l'aide de la Grande-Bretagne en Janvier. Sir Winston Churchill, qui avait déjà étudié les éventualités d'une prise du détroit, estimait faibles les troupes Turques, et par conséquent la facilité d'une opération navale. Il trouva donc le prétexte recherché pour monter l'opération.

Le Vice-Amiral Carden, qui dirigeait l'escadre de méditerranée, fut diligenté le 11 janvier par Churchill d'établir un plan précis d'attaque des Dardanelles. Ce dernier élabora une stratégie basée sur un triptyque cuirassés/dragueurs de mines/submersibles. Les premiers devaient, comme pendant la campagne de crimée 60 ans plus tôt, museler les forts Turcs et ainsi permettre aux frêles dragueurs de mines de dégager la route du détroit. Quand aux submersibles, ils devaient autant que possible, traverser les défenses du détroit et pénétrer en mer de Marmara pour y perturber le trafic Turc, pousser sur Constantinople, couler les unités de la flotte qui tenteraient une sortie contre les alliés, et dans l'idéal torpiller le Yavuz...

Le 13 Janvier, l'opération était aprouvée pa le conseil de guerre et Carden recevait en renfort 14 cuirassés pré-dreadnoughts (les plus modernes restaient au sein de la Grand Fleet), mais également le très moderne Queen Elisabeth, et le croiseur de bataille HMS Inflexible. La France fut sollicitée naturellement, et envoya un escadron de quatre autres pré-dreadnoughts, les Gaulois, Bouvet, Suffren, et Charlemagne. La Russie de son côté mobilisa un croiseur, l'Askold. Tout le dispositif était complété par de nombreux bâtiments légers et totalisait une flotte de 90 navires. Les allié s'établirent à Lemnos, mais lors des opérations, rejoignaient Imbros, à quelques encâblures du détroit, et protégé des tirs Turcs. Des forces terrestres furent également mises en place en Egypte pour une opération amphibie sous le commandement du chef de corps d'armée John. S. Keyes, et qui comprenait plusieurs contingents de Royal Marines, la 29e division d'infanterie régulière, et un fort contingent Néo-Zélandais et Australien (les célèbres ANZAC), stationnés en Egypte.

-Les premières opérations (19 février 1915): En fait, un test fut mené avant même toute déclaration formelle de guerre par une action le 3 novembre avec les deux croiseurs de bataille Indomitable et Indefatigable assistés des cuirassés Français Vérité et Suffren. Chaque cuirassé devait viser un fort en particulier. Le fort de Sedd-ul Bahr fut mis hors de combat au bout de 10 minutes de bombardement. Après ces résultats encourageants, Carden fut autorisé à continuer le développement de son plan. (Mais d'un autre côté la surprise était perdue et les Turcs, bien secondés par des artilleurs Allemands dépêchés sur place, étaient aux aguets. La première phase commença le 19 février 1915 à 7h30 du matin. Quatre destroyers aux côté des cuirassés Cornwallis (qui fut le premier à tirer), et du Vengeance, furent pris à partie par les forts Oranhiye Tepe et Kum Kale sur la pointe sud de l'entrée du détroit (voir carte ci-dessous). Ces derniers faisaient appel à des pièces Krupp de 240 mm aux tirs très efficaces.



Comme on peut le constater sur cette carte, le gros des défenses Turques étaient étagées en profondeur, ce qui leur donnaient une parfaite défense des passes du détroit comme de la côte Nord de Galipolli. Ces forts totalisaient 80 pièces lourdes dont 6 de 355 mm, 6 Howitzer de 150, et d'autres de 240 et de 280 mm. Pas moins de 10 champs de mines (pour un total de 370, qui augmenta par la suite) barraient le fond de la baie d'Erin Keui et la baie de Sari Sighlar, dans le passage le plus étroit. Deux filets anti-submersibles barraient l'entrée et la sortie du dispositif, le tout sous le feu des forts, dont seuls les plus importants figurent sur la carte. Le 19 février donc, trois cuirassés Anglais et le Suffren, tirant à 10 000 mètres pendant un quart d'heure parvinrent à museler provisoirement les forts de Kum Kale, Oraniye Tepe, Ertrugul et Sed-Ul Bahir, qui avaient étés déja singulièrement mis à mal. Mais les résultats attendus se firent attendre. L'offensive recommença le 21, s'interrompit à cause de la météo et repris le 25, mais les Turcs avaient évacué les forts de défense à l'entrée du détroit pour se concentrer sur les forts de la passe entre Dardanos et Canakkale. En toute éventualité, les Royal Marines débarquèrent et prirent définitivement les forts, recontant peu de résistance. Mais le bombardement allait reprendre du 26 au 31 février et de plus belle dans la baie d'Erin Kui le 1er mars...


Le HMS Canopus bombardant les forts en mars 1915. (Image Wikipedia DP)

Le travail de draguage des mines était difficile, Anglais comme Français. Il faut dire que les dragueurs Anglais en question étaient des chalutiers réquisitionnés et transformés sommairement, avec un équipage pour partie composé de civils et d'officiers. Ils disposaient à l'arrière dune cisaille qui coupaient les orins des mines (immergées à quelques mètres sous la surface), et celles-ci remontaient à la surface et étaient tirées au canon ou dynamitées. L'offensive piétinait, et le 4, on convia le Queen Elisabeth à bombarder de ses grosses pièces depuis Gaba Tepe, dans le Golfe de Saros, les forts des défenses intérieures. Le 8 mars, de nuit, le Nusret mouilla un champ de 25 mines parallèle à la côte, dans la baie d'Erin Keui. On avait observé que les navires Britanniques sortant de la baie tournaient à babord, ce qui les menait droit dans un champ judicieusement placé, comme ce qui allait être démontré: Dans la nuit du 13 mars, le croiseur Amethyst menant 6 dragueurs, tenta d'éclaircir les premiers champs de mines de la baie. Mais la nuit, c'était un travail encore périlleux, et les forts turcs alertés ajoutèrent à la confusion. Au total 4 dragueurs furent litéralement criblés par les petites pièces de campagne du rivage et leurs équipages sévèrement touchés, et l'Amethyst échappa de peu à la destruction après avoir été touché par un gros calibre. Churchill recevant ces premiers rapports, fit relever Carden de son commandement, remplacé par le contre-amiral John de Robeck. Ce dernier avait en vue une offensive générale de toute la flotte afin d'en finir...

-L'offensive du 18 Mars : Le point culminant de l'offensive contre les Dardanelles aura lieu à partir du 18 mars: Le contre-amiral John de Robeck, portant sa marque sur le Vengeance, mobilisa pas moins de 3 lignes comprenant successivement les Queen Elisabeth, Nelson, Agamemnon et Inflexible (portant la marque de Carden), en seconde ligne les 4 cuirassés Français (dont le Suffren portant la marque du contre-amiral Guépratte) et les Vengeance, Irresistible, Albion et Ocean Britanniques en troisième ligne, et en soutien sur les flancs les Majestic, Prince Georges, Swiftsure et Triumph, avec en réserve les Canopus et Cornwallis. L'objectif était de museler les défenses encadrant les 5 premiers champs de mines. La Royal Navy utilisait ainsi à bon compte ses vieux pré-dreadnoughts rendus obsolètes par l'évolution des cuirassés, et peu utiles à la Grand Fleet. De 11 heures à 13h25, un feu roulant continu réussit à gêner, voir museler les forts turcs visés. La tâche n'était pas aisée. Les grosses pièces étaient bien protégées par de massifs ouvrages bétonnés, tandis que plus de 50 pièces de lcalibre inférieur étaient remarquablement cachées dans les contreforts de la côte, ne laissant voir qu'un embrasure recouvertes de branchages. Des tubes lance-torpilles et des projecteurs étaient également cachés pour les offensives de nuit, et des fausses batteries établies bien en évidence. Par ailleurs, les canons de marines tiraient en tir tendu, et les batteries basses offrant peu de surface frontale étaient difficilement destructibles. Dans la plupart des cas, c'étaient les débris qui obstruaient l'embrasure et gênaient les tirs Turcs mais les canons eux-même ne furent neutralisés qu'avec le débarquement de compagnies de marine. Le 17 enfin, le Nusret revient dans la baie et mouille les dernières mines disponibles.

Le bombardement des deux côtés fut sévère, mais les tirs Turcs ne se firent pas aussi précis. Le fort de Rouméli-Medjidieh notamment avait tenu particulièrement longtemps. Les Suffren, Gaulois, Agamemnon et Inflexible souffrirent d'impacts sévères. Pour l'anecdote, un orchestre joua sur le pont arrière du Suffren pendant plus d'une heure, avant que l'intensité des tirs ne deviennent dangereux... Plus tard, il recevra un obus de 240 mm qui traversera la tourelle de 164 mm par la fenêtre de visée de la casemate, décapitant l'officier de tir, puis entrera dans la salle aux gargousses, mettant le feu à 200 kgs de poudre B. Un retour de famme ira brûler vif tous les servants de la tourelle. Le central de tir avait été de son côté dévasté par un obus et toutes les communications internes coupées. Pire, une gargousse de 164 mm tomba dans la caisse de la soute aux poudres, où 6 tonnes sont présentes. Les 6 servants l'évacuent non sans avoir ouvert les vannes pour la noyer. Lannuzel resta dedans pour bien vérifier le remplissage, et s'y noya. Enfin, un autre gros calibre viendra exploser dans la cheminée et détruire les ventilateurs. En quelques minutes la chambre de chauffe en soute vit sa température dépasser les soixante degrés et les hommes s'écrouler à leur poste... Quand au Bouvet, le marbec (extracteur des gaz brûlés de l'âme des canons) de la tourelle avant était tombé en panne, les servants avaient étés asphyxiés. Sur l'Inflexible, les ervants des tourelles avaient aussi étés tués. De Robeck décida alors de retirer les cuirassés et de faire passer en avant sa seconde ligne assistés des Swiftsure et Majestic.


Le Bouvet en train de sombrer. (Image Wikipedia DP).

C'est alors qu'en se retirant après deux heures de tirs presque interrompus de son seul canon arrière, alors que le Suffren, le Gaulois et le Charlemagne s'étaient déjà retirés, et en virant à tribord (à droite), le Bouvet heurta à 13h54 une mine posée par le Nusret. Sa coque non protégée fut ouverte, déchirée sur sa longueur et sa gîte devint importante très rapidement. En 45 secondes, le navire (voir photo), tout en avançant, se couchera sur le flanc, puis chavirera par l'arrière, coulant verticalement ensuite, proue en l'air. Il emportera avec lui le commandant, 23 officiers et 619 marins. 47 rescapés seront recueillis par le destroyer Britannique Mosquito, sous les tirs Turcs. Ce ne fut pas la première perte: Vers 16 heures, le HMS Inflexible, durement touché, vira aussi sur tribord en se retirant, et vint donner dans le même champ de mines que le Bouvet. L'explosion tua 60 hommes et en blessa une centaine, certains furent noyés du fait de la fermeture automatique des cloisons touchées. Grâce à sa protection moderne, le croiseur de bataille, donnant de la bande, s'éloigna à petite vitesse de la baie et parvint à s'échouer sur un banc de sable de l'île de Tenedos.

Le cuirassé HMS Irresistible, à son tour, heurta une mine en se retirant toujours à tribord (la configuration de la baie et le rayon giratoire de ces mastodontes ne laissait pas d'autre choix). Ses compartiments machines furent inondés, mais les fuites contenues grâce à une évacuation rapide, aux paillets apposés et aux cloisonnage multiple. Cependant, la pression sur ces cloisons et les infiltrations non maîtrisées rendaient certaines son chavirage prochain. Alors que son équipage s'apprêtait à l'évacuer, le HMS Ocean se rapprocha de lui pour le prendre en remorque. Les hauts-fonds du rivage rendaient l'opération dangereuse, et vers 18 heures, il heurta une mine à son tour au niveau du gouvernail. Désormais, il devenait incontrôlable et commençait également à se remplir. Les deux bâtiments se retrouvaient immobilisés, à la merci des canons Turcs, qui contre toute attente s'étaient pratiquement tus, à cours de munitions. De la "poussière navale" vint secourir les naufragés, et on évacua la zone en hâte avec le soir tombant. Pensant que les navires puvaient toujours être à flot, et éventuellement récupérés par les Turcs, un destroyer fut envoyé pour les torpiller de nuit, les chercha 4 heures, mais ne vit rien. Les navires avaient coulé. Le bilan de la journée avait étée un triomphe pour l'empire Ottoman qui venait de faire subir à la Royal Navy les pires pertes de son histoire depuis Trafalgar.

-Les débarquements ( 25 - 27 - 28 avril 1915 ): Cet échec ne retomba pas sur De Robeck, car Churchill, assumant pleinement ses responsabilités eut à s'en expliquer seul devant la chambre des communes. Désormais on allait, plutôt que de persévérer dans cette voie, tenter de prendre les forts à revers par des troupes débarquées sur des sites estimés sans défense. Le 22 février, 70 000 hommes furent rassemblés sous le commandement de Sir Ian Hamilton, formant la MEF (Mediterranean expeditionnary force). Les préparatifs durèrent un mois. Les Turcs qui s'attendaient à cette offensive choisirent judicieusement les points les plus favorables à une opération amphibie et les fortifièrent avec des lignes de tranchées, barbelées, nids de mitrailleuses, mortiers et casemates soutenus par des Howitzers. Un premier débarquement était prévu sur le cap Helles, les troupes devant franchir 11 km et atteindre le plateau de Kilitbahir qui commandait la presqu'île, et ultérieurement la ville de Krithia et la colline d'Achi Baba sur laquelle des pièces d'artillerie lourde devaient êtres acheminées.

Le jour J, le 25 avril, Trois cuirassés débarquèrent la première vague, suivis par les destroyers Usk, Ribble, Chelmer, Scourge, Foxhound, Colne et Beagle, assistés et couverts par les grosses pièces des HMS London, Prince of Wales et Queen, et du Majestic et Triumph, du Bacchante en arrière, les troupes prenant place sur des chaloupes. Un erreur avait étée commise sur le lieu du débarquemement qui s'effectua plus au nord, dans un lieu appelé actuellement "la Crique Anzac". De triste mémoire, puisque malgré les nombreuses troupes débarquées, les lignes Turques tinrent bon et infligèrent des pertes effroyables à la 29e division et aux troupes du Commonwealth, qui n'avancèrent que mètre par mètre. Le tir des cuirassés se fit peu heureux, malgré la présence des hydravions de l'Ark Royal et les ballons du Manica qui devaient assurer la correction des tirs. Les premières lignes seront finalement prises au soir...


Le HMS Majestic quittant Mudros pour paticiper le 25 avril au débarquement. (Image Wikipedia DP)

Le tir des navires de ligne était rasant, et peu précis, et le soutien attendu fut très aléatoire. En somme, les troupes éprouvèrent le même sentiment d'impuissance que leurs frères d'armes sur le front ouest. La situation différait selon les plages. Aux plages V, W, et X, plus au sud sur le cap Helles, la préparation d'artillerie avait étée considérable, mais pas sur "Anzac Cove" qui était conçu comme une surprise. Les troupes, en majorité Australiennes, arrivaient donc devant des lignes ennemies intactes. Le soutien d'artillerie ne vint qu'après, et fut restreint par sécurité lorsque les troupes progressèrent vers l'intérieur. Un autre débarquement eut lieu sur la plage "S", à Kum Kale, de troupes Françaises soutenues par le Cornwallis, qui prirent le village et le tinrent malgré les contre-attaques Turques. Malheureusement, les pertes des Anglais étaient telles, que les Français durent quitter le village pour rejoindre la MEF enlisée sur la côte occidentale de la presqu'île. Le soutien naval ne fut pas efficace contre les positions retranchées, mais bien plus sur les troupes Turques qui contre-attaquèrent à découvert le 27 et le 28. Le Queen Elisabeth prouva alors sa valeur en stoppant net la première offensive d'une seule salve, tandis que la seconde le landemain fut littéralement anéantie par des shrapnells de 381 mm utilisés spécialement pour l'opération. Il montra aussi la précision de son tir lorsque le 27, il coula depuis Gaba Tepe un transport Turc qui traversait le détroit, repéré par un ballon qui indiqua sa position précise.

-Du piétinement au retrait : Devant l'opinâtre résistance des Turcs, commandés par le général Allemand Helmuth von Sanders, l'offensive ne parvint jamais à ses objectifs initiaux. Les troupes débarquées à la pointe du cap Helles ne parvinrent jamais à vue de Krithia, tandis que celles d'"Anzac Cove" n'avancèrent que que de quelques kilomètres, les hauteurs restant à l'ennemi. Leur situation était intenable car la configuration du terrain faisait que les armes Turques battaient toutes les zones à découvert. De nombreux officiers supérieur y perdirent la vie, le général Français Gouraud y est grèvement blessé. On ne ravitaille plus les troupes que de nuit, et l'évacuation des blessés reste problématique. Ce n'est que le 1er mai que les forces de l'entente parviennent à constituer une tête de pont de faible profondeur. Mais le front restait figé. Le 6 mai, Hamilton décide de débarquer dans la baie de Suvla, et de lancer une attaque sur Kereves-Dere et Achi Baba. Ce sera uun échec sanglant, et ce malgré une nouvelle tentative avec des troupes fraîches le 15. Plus grave, le soutien de marine était compromis: Le 12 mai, le torpilleur Turc Muavenet parvint à torpiller le HMS Goliath et à l'envoyer par le fond. Plus tard, le 25, c'était au tour du HMS Triumph, coulé par l'U21. Et deux jours plus tard, le même U21 envoyait par le fond le cuirassé HMS Majestic. Devant cette menace très sérieuse, l'amirauté décida de retirer tous les cuirassés et navires de ligne encore en soutien, et par commencer le flambant neuf Queen Elisabeth, qui rallia sagement l'Egypte... Désormais ce seront les petites pièces de quelques croiseurs et destroyers qui effectueront les tirs de couverture, ainsi que quelques "monitors improvisés" avec des navires locaux réquisitionnés.

La dernière tentative pour débloquer le front fut menée le 6 août: Il était question d'effectuer deux attaques au sud sur le cap Helles et sur Sari-Bari. Cette dernière est menée par les Anzac et échoue totalement. La seconde ne recontra que peu de résistance mais l'incurie des officiers fit qu'elle ne progressa pas, laissant le temps aux Turcs de fortifier leurs positions et d'envoyer des renforts. Lorsqu'Hamilton arriva, il était trop tard. Ce dernier échec copute sa place au premier Lord de la mer, Winston Churchill, tandis qu'Hamilton est remplacé par Munro. Ce dernier est rapidement secondé par Kitchener et les deux hommes en arrivent à la conclusion que faute de soutien efficace, avec le feu continu des grosses pièces turques intactes, et l'hiver arrivant, la situation est compromise. La décision finale de retirer les troupes viendra lorsque la situation aux Balkans se dégrada rapidement. On évacua sans trop de pertes d'octobre à Janvier les troupes alliées, quelques 100 000 hommes, et on les débarqua à Salonique pour soutenir le front Grec. Au total la plus grande opération amphibie de la première guerre mondiale se soldait par une échec cuisant: Constantinople sera définitivement hors d'atteinte, tandis que la triple entente avait perdu 7 cuirassés et laissé 250 000 hommes sur le terrain, morts et blessés.


Le vieux cuirassé Messoudieh. (Image Wikipedia DP).

La revanche des submersibles

Cependant l'échec était compensé par la réussite d'une des branches de ce plan: Les attaques menées par des submersibles. Malgré les difficultés, Anglais et Français tentèrent de passer les défenses des détroits. Le 13 décembre 1914, déjà, le submersible Anglais B13 réussit à franchir toutes les lignes de mines et les deux filets, et déboucha dans la baie de sari Sighlar au sud de Cannakale. Il aperçut le vieux Messoudieh, ancré comme batterie et lui décocha une bordée de torpilles. Le cuirassé sombra en dix minutes, emportant avec lui plus de 600 hommes, mais la plupart réussirent ultérieurement à quitter le bâtiment, dont la coque émergeait encore et que l'on perfora pour les évacuer. L'exploit du B11 ne s'arrêta pas là puisqu'il parvint à ressortir par le même chemin. Le capitaine Holbrook fut le premier à recevoir la Victoria Cross de la guerre.

De son côté le submersible Français Saphir passa les défenses le 15 janvier mais s'échoua sur Nagara. Il fut ensuite débusqué et coulé. Le Britannique E15 fit de même le 17 avril, et vint s'échouer sur Sari Sighlar après avoir été happé par le courant des profondeurs. Il fut détruit par les canons du fort de Dardanos, et son équipage fut fait prisonnier, sans avoir pu le saborder. Il sera coulé finalement bien plus tard. Mais le 26 avril, le submersible Australien AE2 parvint le premier à passer le détroit entièrement, et à déboucher en mer de Marmara, qu'il écuma pendant une semaine sans résultats tangibles, du fait du défaut de détonateur de ses torpilles. Le 29, il fut aperçu et coulé par le torpilleur Turc Sultanhissar.

Le même 27 avril, un autre submersible, l'E14 du commandant Boyle, passa également en mer de Marmara et y décocha toutes ses torpilles, usant également de son canon, et coulant un tonnage important. Il revint par le même chemin, et reçut la Victoria Cross tandis que le trafic marchand en mer de marmara était interrompu pour quelques temps. Boyle ne se contenta pas de ce premier succés et fit deux autres traversées du détroit sans encombre, allant encore infliger des pertes au trafic Turc, et ce malgré la pose d'un nouveau filet en baie d'Erin Keui. Le 23 mai, l'E11 fit de même, coulant pas moins de 11 navires, dont trois dans le même port de la côte de Thrace. Le 8 août, au cours dune nouvelle traversée, il coula le cuirassé Hayredin Barbarossa. Il y eut aussi des exploits d'hommes isolés débarqués, comme le lieutenant Lyon nageant vers la côte depuis l'E2, réussissant à faie sauter grâce à des charges de TNT un pont ferroviaire. Il ne revint jamais. Le Lt. Hugues fit de même depuis l'E11. Il fit dérailler un train en faisant sauter la voie, et gagna à son retour la D.S.O. Le 17 juillet, l'E7 s'en prit directement au canon à une voie ferrée côtière et stoppa et détruisit deux trains.

Mais tous n'eurent pas de chance: Ce fut le cas de l'E7 lors de sa dernière sortie, lorsqu'il s'empêtra dans le premier filet, mais aussi du Français Mariotte le 27 juillet. Le Joule fut de son côté coulé le 1er mai en sautant sur une mine. Quand au turquoise, son histoire est édifiante: Il parvint à franchir le détroit le 28 octobre, pénéta en mer de Marmara et coula quelques navires, mais au retour, le 30 s'échoua au pied d'un fort et fut capturé intact. Les Turcs mirent la main sur le submersible qui fut remorqué, rebaptisé et remis en service aux couleurs Turques, mais aussi sur des documents détaillant les opérations alliées et un rendez-vous avec le submersible Britannique E20. Lorsque ce dernier arriva à l'heure dite, ce fut pour être torpillé par l'U14 en embuscade... Au final, les alliés coulèrent deux vieux cuirassés Turcs, un destroyer, 5 canonnières, 9 transports de troupes, 7 ravitailleurs et plus de 200 vapeurs et navires divers, tout en vidant littéralement la mer de Marmara.

La dure leçon des Dardanelles ne fut pas perdue. Si aucune autre opération amphibie d'une envergure similaire ne fut entreprise (à part le projet de 1918 en Baltique), on se mit à réfléchir sur de nouveaux concepts qui portèrent leurs fruits durant la seconde guerre mondiale, où ce genre d'opérations connut un développement constant et arriva à ses heures de gloire. Les succés obtenus en Crimée n'étaient pas comparables, et les pertes ne furent pas dûes aux forts mais aux mines et submersibles ennemis. Elles étaient certes imposantes, mais limitées à des bâtiments obsolètes, peu utiles par ailleurs dans une ligne de bataille moderne. En filigrane se dessinait cependant le futur usage des navires de ligne comme batteries côtières, un rôle qui reste d'actualité, et même d'avenir. On étudie depuis quelques années des navires ultra modernes équipés de tourelles simples, doubles ou triples de gros calibre à des fins de soutien côtier aux troupes à terre, en bénéficiant de tous les progrés en termes de portée, de précision, d'obus à ailettes et à poussée additionnelle...

La bataille du Dogger Bank (24 janvier 1915)



Nous avons vu que jusqu'ici les seules actions entre Royal Navy et Hochseeflotte s'étaient limités à des escarmouches d'unités légère en mer du Nord, et des batailles menées contre l'escadre Allemande d'outre-mer. Il faut attendre le début de 1915 pour que la flotte Allemande sorte de sa timidité et tente une action. En l'occurence on confia cette action aux croiseurs de bataille du vice-amiral Hipper, car il disposait du seul instrument assez rapide pour échapper à la flotte Anglaise si les choses tournaient mal. En décembre, également sans doute en réplique de la destruction de l'escadre de Von Spee, Hipper reçut instruction de faire route sur la côte est de l'Angleterre et de bombarder Hartlepool, Scarborough et Whitby, pensant briser la résolution des civils.

Effectivement, le premier raid eut lieu le 16 décembre 1914 au matin, le bombardement durant une demi-heure. les dégâts étaient considérables. Il n'y eut cependant que 19 morts et une centaine de blessés, et des dizaines de chalutiers coulés ou endommagés. Les croiseurs de bataille repartirent sans être inquiétés. Ce raid provoqua un scandale et la Royal Navy fut mise sur la touche. Encouragé par ce succés, il reçut instruction de tenter un nouveau raid sur le banc de Dogger, zone de pêche très fréquentée des chalutiers Anglais, à mi-chemin entre l'Angleterre et l'Allemagne. Cependant cette fois, l'escadre de croiseurs de bataille de l'amiral Beatty, mouillée à Scapa Flow plus au nord, était en état d'alerte. Le 23, durant la nuit, un message TSF Allemand est capté et décodé par la "Room 40" à Londres. Beatty sait que Hipper est en route et il appareille avec le Lion, le New Zealand, le Princess Royal, le Tiger et l'Indomitable et les 6 croiseurs légers de Goodenough dont le Southampton, le Birmingham, le Nottingham et le Lowestoft. Il sera rejoint plus tard par une escadrille de Destroyers venant de Harwich.

C'est à 7h20 du matin que Beatty est en vue des panaches noirs de l'escadre Allemande, au sud du Dogger Bank. Hipper est parti la veille de Schillig avec quatre croiseurs de bataille, les Seydlitz, Derfflinger, Moltke et Blücher. Il lui manque le Von der Tann, en carénage. Il sait que ses unités sont légèrement moins rapides (mais mieux protégées), en particulier le Blücher. Il est légèrement armé et assez lent, d'ailleurs considéré par les standards maritimes et la Royal Navy comme un "croiseur-cuirassé". Il est encadré par quatre croiseurs légers, les Graudenz, Rostock, Stralsund et Kolberg, et 19 torpilleurs de haute mer (destroyers). En tête, se trouvent le Seydlitz et en avant-garde le Graudenz et le Stralsund, en queue le Blücher, et sur les flancs le Rostock et le Kolberg, eux-même entourés par des destroyers. A l'époque la livrée des destroyers Britanniques était gris sombre, aussi pour ne pas les confondre avec les destroyers Allemands, noirs, leurs cheminées avant étaient peintes en rouge.

Vers 7h30, Hipper réalisa qu'il pouvait encore fuir et fit faire volte-face à ses navires, ce qui signifiait aussi une perte de temps durant la longue manoeuvre. Tout son dispositif se retourna cependant et à 8h00, il était reparti en sens inverse, cap sur l'Allemagne. A 8h15 une escarmouche avait eu lieu entre les deux avant-garde à 5000 mètres, l'Aurora engageant le Kolberg, sans résultats. Mais de son côté Beatty n'attendait que d'en découdre, les occasions ayant étées trop rares. Ses chauffeurs firent des prouesses, et la ligne de bataille Anglaise rattrappa la flotte Allemande, la remontant en parrallèle au sud tandis qu'au nord de celle-ci, la force de harwich l'encadrait également, et la 1ere escadre de croiseurs légers prenait place au nord de la ligne Allemande. Le Blücher se trouvait, encore une fois, en queue, et se laissait gagner par la ligne ennemie. A 9h25, ce dernier est encadré par des destroyers Anglais qui tentent de le torpiller. De quelques salves de 210 mm, il les repousse. Mais le répit est de courte durée. L'escadre Alemande ne peut tenir que 21 noeuds, pour ne pas laisser le Bücher derrière, or, les Anglais tiennent 27, puis 28 noeuds, et avalent les milles. A 9h30, le Lion ouvre le feu, et le Seydlitz reçoit un obus sur sa tourelle arrière, qui sous le choc, sort de son rail et les servants sont tous tués. Un incendie se déclenche, et l'un des officiers survivants fait noyer les soutes à munitions in extremis. Le Seydlitz est provisoirement sauvé, mais le choc est rude...

A 9h52, Beatty demandait à ses chauffeurs et soutiers de porter au rouge les chaudières en forçant la vitesse de son escadre à 29 noeuds... (Après tout la propagande de Fisher au sujet de ses "splendid cats" ne tenait elle pas d'abord au fait que ses navires pouvaient dépasser 30 noeuds?...). A 20 000 mètres, le Lion en tête, qui porte la marque de David Beatty, tire sur le navire de queue, le Blücher. Beatty avait donné des ordres pour que l'Indomitable et le New Zealand en queue prennent à partie le Blücher, tandis que les trois navires de tête prendraient chacun leur opposant respectif de la ligne de bataille Allemande. Mais le jeune commandant du H. B. Pelly du Tiger et ses hommes sont inexpérimentés et vont commettre deux erreurs: Tout d'abord Pelly interprête mal les ordres et pense devoir concentrer son tir sur le Seydlitz, alors que son opposant, le Moltke, reste épargné, lui laissant les coudées franches pour viser le Lion... Pire, l'officier de tir du Tiger confond les gerbes de 305 mm du Lion avec les siennes et son tir n'est pas efficace.

A 10h00, Beatty apprend que Jellicoe et ses cuirassés rapide de la 3e escadre de ligne et la 2e escadre légère ont appareillé de Scapa Flow, et arrivent cap au sud, tentant de couper la route Nord (Le Skaggerak) de Hipper. Le piège est en place. Pour les Allemands, c'est une fuite effrénée qui se poursuit, et le résultat est plus qu'incertain. Pour le Blücher, il est plus que sombre: Il a encaissé plus d'obus que de raison et s'éloigne de la ligne. Hipper n'aura pas d'autre choix à 10h30 que de l'abandonner à son sort et de forcer sa vitesse. L'indomitable partira à la suite du Blücher, et l'achèvera. A 10h15, la bataille faisait rage, à pleine vitesse. Les vibrations n'aidaient pas les responsables du tir. Néanmoins la distance était tombée à 14 500 mètres et les obus pleuvent des deux côtés. A 10h18, le Derrflinger réussit à placer trois obus de gros calibre sur le Lion, qui traversèrent le pont arrière et endommagèrent les machines. Des voies d'eaux les envahirent et sa turbine bâbord fut mise hors service. Perdant rapidement de la vitesse, le Lion quitta la ligne et était presque arrrêté à 11h00. Beatty se fit transporter sur une vedette du bord pour regagner la bataille sur le Princess Royal. Pendant ce temps, la poursuite continuait avec le contre-amiral Moore, mais à 10h50 un des veilleur du Lion aperçut le périscope d'un U-Boote. Beatty, qui croyait à un piège classique et emmener ses navires sur une ligne de submersibles ennemis fit effectuer à son bâtiment un virage à 90° tandis qu'il faisait monter à son grand-mât ses ordres par pavillons (Les tirs du Derfflinger avaient coupé l'électricité à bord, sa TSF et les projecteurs n'étaient plus utilisables).

Un erreur de pavillon qui pesa lourd pour la suite survint alors: Le premier signal qui monta était "cap au nord-est" (pour éviter l'éventuel piège de submersibles) et le second monta alors que le premier n'était pas descendu, demandant à Moore de poursuivre l'arrière-garde. L'interprêtation des deux signaux ensemble fit que Moore pensait devoir poursuivre le Blücher. Il mit cap au nord pour rejoindre l'Indomitable, épargnant du coup les croiseurs de bataille Allemands restants. Au moment ou les navires Brianniques s'éloignaient, Beatty se trouvait, impuissant, sur une vedette ballotée par les lames, entre son vaisseau et le Princess Royal. Lorsqu'il arriva à bord il était trop tard pour corriger les ordres. Hipper avait fui et Moore avait laissé passer une occasion unique de détruire la flotte de bataille rapide de la Hochseeflotte. L'Indomitable, qui canonnait le Blücher fut ainsi rejoint par les trois autres bâtiments de Moore et à 11h00, il avait chaviré et entraînait dans la mort 782 hommes. A 11h30, Hipper avait sauvé ses navires. Les Britanniques avaient tous mis le cap au nord-ouest, vers Scapa Flow...

La bataille de Gotland (2 juillet 1915)


Baltic map

La bataille de l'île de Gotland s'est tenue au large de cette grande île à l'est de la Suède, qui vit bien d'autres affrontements entre Allemands et Russes, ou Russes et Suédois par le passé. La veille, le Kommodore Johannes Von Karf avait reçu pour ordre de mouiller un vaste champ de mines au large des îles Aäland, fermant le Golfe de Bothnie. avec l'Albatross ( capitaine de frégate Fritz West ), escorté par le croiseur-cuirassé Roon, et les Augsburg, Lübeck, ainsi que 12 destroyers. Suite à l'action d'Odensholm le 26 août, les Russes s'étaient emparés des livres de codes et signaux de la Hochseeflotte, et ainsi interceptèrent des messages leur permettant de connaître la sortie de l'escadre. Le 2, une force comprenant les croiseurs-cuirassés Admiral Makaroff et Bayan, assistés par les croiseurs Oleg et Bogatyr prit le large depuis Saint-Petersburg aux ordres du contre-amiral Mikhail Bakhirev dans l'espoir de l'intercepter. Cete force fut rejointe et assistée par un submersible Britannique.

Le 2, au matin, la flotte Allemande était en train de mouiller des mines devant les îles Aaland, lorsque les panaches noirs de l'escadre Russe furent repérés. Aussitôt les opérations en cours furent abandonnées, et les navires mirent immédiatement cap au sud. Cependant, le temps d'effectuer la manoeuvre, les croiseurs Russes étaient sur eux, et notamment sur le moins rapide, le croiseur mouilleur de mines SMS Albatross qui fut ratrappé. Ce dernier n'avait que des pièces de 88 mm à opposer à des canons de 203 et 152 mm des croiseurs Russes. Ce fut donc une véritable éxécution. Toutefois, le Roon et les deux croiseurs légers répliquèrent, mais le duel d'artillerie de fut pas concluant. Les deux flottes avançaient en parrallèle, cap au sud, et arrivèrent au large de Gotland lorsque Von Karf fut informé de la venue de deux autres croiseurs-cuirassés en renfort, le Prinz Heinrich et le Prinz Adalbertq qui venaient d'appareiller.


Le croiseur mouilleur de mines Albatross échoué après son combat contre l'Oleg et le Bogatyr. (hem.passagen.se)
De leur côté les Russes firent sortir le Rurik, alors l'un des plus puissant croiseurs-cuirassé du monde, assisté du destroyer Novik, non moins redoutable. Ils avaient appareillé au moment de la nouvelle de l'interception des forces Allemandes aux îles Aaland, et avançaient à toute vapeur cap au sud-ouest afin de tenter de couper la retraite de Von Karf. La menace était très sérieuse, et la bataille commença à prendre une ampleur désastreuse pour les Allemands. L'Albatross, pris à partie par l'Oleg et le Bogatyr fut très gravement touché, donnant de la bande car ses machines étaient partiellement noyées, dériva et finit par l'échouer sur un banc de sable au large de Gotland, tandis que Von Karf, après que son navire-amiral Roon pris à partie par les Bayan et Makaroff ait encaissé plusieurs gros calibres et soit gravement endommagé, décidait de à la nouvelle de l'arrivée du Rurik de rompre le combat et de mettre le cap au sud-est, vers Königsberg.

Les deux croiseurs-cuirassés venus en renfort, informés de la décision de Von Karf mirent à leur tour cap au sud, mais le Prinz Adalbert fut intercepté par le submersible Britannique E9 en embuscade et torpillé. Il survécut grâce à la promptitude de son équipage qui parvint à colmater les fuites grâce à des paillets Makaroff, et éviter ainsi que la salle des machines entière de noit submergée. Le croiseur se traînera vers la côte et viendra s'échouer sur un banc au large de Dantzig. On le remorquera et il sera réparé, mais peu de temps après sa remise en service, le 23 octobre, il sera de nouvau torpillé, cette fois par l'E8, et envoyé par le fond lors d'une autre opérations en Baltique.

Au final, les pertes Russes furent difficiles à évaluer mais il est clair que les Bayan et Makaroff reçurent quelques impacts. Le Bilan exact du côté Russe reste mystérieux. Quoiqu'il en soit, le verdict était sévère pour les Allemands, qui sans soupçonner toujours de "fuite" et s'expliquer la venue soudaine des Russes, perdaient l'Albatross, qu'ils ne tentèrent jamais tenter de remorquer. Son équipage survivant gagna les chaloupes encore en état, et de là la côte de Gotland, d'où ils rejoignirent ensuite l'Allemagne. L'Albatross sera remorqué pour être démoli en 1921. Les Allemands perdaient aussi provisoirement le Roon et le Prinz Adalbert pour de longs mois de répararations. Quand aux mines des îles Aäland, elles furent dûment relevées par les Russes et draguées.

Les opérations en Adriatique - Fin (1914-18)



Le 6 août 1914, un accord était formalisé entre la Royal Navy et la marine Française concernant le commandement des forces alliées en méditerranée. La "Royale" grâce à ses bases coloniales et à Toulon possédait le gos de ses effectifs sur place, et d'autres bâtiments vinrent d'y ajouter par la suite. Il semblait donc logique que la responsabilités de ces forces, y compris Britanniques, passent sous l'autorité de l'amiral Français Boué de Lapeyrère. Bien que les alliés, faute de communication, ne purent arrêter l'amiral Wilhelm Souchon qui se réfugia à Contantinople, ils mirent le cap sur l'adriatique et détruisirent un croiseur Austro-Hongrois dont la flotte était sortie pour effectuer des bombardements de la côte de la Serbie et du Montenegro. Par la suite, avant les évènements précédents la campagne des Dardanelles, le gros de la flotte alliée continua à opérer en adriatique, expérant forcer la KuKK Kriegsmarine à sortir. Pola (auj. Pula) et Cattaro (auj. Kotor) devinrent des objectifs prioritaires. L'action de quelques submersibles isolés tenta d'y répondre:

Le 29 novembre en effet, le Cugnot tenta de passer les bouches de Cattaro et arriva jusqu'à la baie de Topla. Mais il fut débusqué et chassé par le destroyer Blitz et un torpilleur, et observé par un hydravion. Il se replia sans succés. Le landemain, le Curie arriva de nuit à l'entrée du port de Pola, espérant passer. Le 20 décembre, il tenta de passer les défenses de l'entrée, mais se prit les hélices dans un filet. Faute de pouvoir se dégager, le commandant O'Byrne n'eut pas d'autre choix que de faire surface, en plein jour, pour renouveler l'air. Immédiatement, le destroyer Magnet et le torpilleur TB63 furent sur lui, tirant à bout portant. Criblé, le submersible sombra, emportant avec lui trois hommes dont le second maître Pierre Chailley qui avait aidé à ouvrir les purges. 23 hommes furent capturés. Par la suite le Curie fut renfloué, réparé et modifié et devint l'U14. Il fit une belle carrière sous pavillon Autrichien...

Le surlandemain, 21 décembre, l'U12 torpillait le dreadnought Jean Bart au large de Sazeno. Ce dernier survécut grâce à ses compartiments dédiés mais dût rejoindre Malte pour de longues réparations. Ce même U12 fut torpillé plus tard sans succés par le Brumaire. Le 24 février 1915, le destroyer Dague, escortant un cargo Anglais sauta sur une mine. Le croiseur-cuirassé Victor Hugo échappait de peu à une torpillage de l'U5 au large de Paxos le 4 avril, sous le commandement de Schlosser. Il passa la maine au célèbre Von Trapp qui réussit lui à envoyer par le fond après une poursuite épique jusqu'à Santa Maria di Leuca, le Léon Gambetta, le 27 avril. Cet exploit coûta aux Français plus de 650 marins et le contre-amiral Sénès, bras droit de Lapeyrère.

A partir de juin 1915, la flotte Italienne rejoignait la flotte Française et libérait les alliés de leur présence en force, en particulier les Britanniques, qui pouvaient concentrer toute leur attention dans la campagne des Dardanelles. Le 5 juin, pas moins de 4 escadres franco-Italiennes bombardaient les côtes Austro-Hongroises. Raguse, Donzella, Lagosta, Lissa et Sant'andrea furent visées. La flotte combinée ne fut pas inquiétée, car aucune sortie ne fut tentée depuis Pola. Le 5 décembre, le submersible Frésnel fut coulé par des tirs du destroyer Warasdiner, après s'être échoué suite à une erreur de navigation, à Bojana. Le 30, le Monge était éperonné au moment de plonger par le croiseur Helgoland et forcé à faire surface, et achevé par le destroyer Balaton. Le commandant Roland Morillot resta à bord, coulant avec son bâtiment pour ouvrir les purges et le saborder.

Le 15 septembre 1915, le Foucault était bombardé par deux hydravions Autrichiens, et contraint de faire surface. Les survivants quittèrent le bâtiment qui fut achevé par l'hydravion L135. Ce fut la première attaque aérienne réussie d'un bâtiment, inaugurant une nouvelle ère de la guerre sur mer. Le18 mars 1915, l'U6 commandé par Falkhausen torpillait et coulait le destroyer Français Renaudin près du cap Laghi (aujourd'hui Selitis en Albanie). Le même jour le submersible Ampère torpillait le navire-hôpital N°1, qui fut forcé de s'échouer pour ne pas sombrer. Il n'y eut que deux victimes. Le 22-23 novembre, eut lieu une autre sortie de la flotte Austro-Hongroise (il y en avait déjà eu en février et avril) comprenant le croiseur léger Helgoland, et les destroyers de la classe Tatrà. La seule victime de ce raid fut le schooner Gallinara.


Le Novara endommagé après la bataille du détroit d'Otrante, le 15 mai 1917 (DP).

La nuit du 22 au 23 décembre, 4 destroyers Austro-Hongrois (Scharfschutz, Reka, Dinara et Velebit) attaquaient les chalutiers armés patrouillant devant le barrage d'Otrante. Ces derniers appelèrent à la rescousse 6 destroyers Français non loin, les Casque, Protet, Cdt-Rivière, Cdt-Bory, Dehorter et Boutefeu. Ce qui aurait dû être une bataille nocturne tourna à la confusion la plus complète: Dans le feu de l'action, seuls le Casque et le Cdt. Rivière attaquèrent, les autres n'étant pas avertis de la position des navires adverses, et le Casque endommagé dût réduire sa vitesse. Ies Italiens furent appelés en renfort et diligentèrent l'Abba, le Nievo et le Pilo depuis Brindisi, suivi rapidement par le Gloucester, et deux autres destroyers Italiens. Se regroupant, les Français et les Italiens entrèrent en collision: L'Abba notamment, éperonna le Casque avant d'être lui-même bousculé par le Boutefeu. Les trois navires endommagés durent êtres pris en remorque, laissant les unités Autrichiennes s'échapper.

Le 31 décembre 1915, lors d'une sortie de l'habituelle escadre menée par le Helgoland (v. plus haut), le jour où le Monge fut coulé, le Triglav et le Lika sautaient dur es mines du barrage d'Otrante, tandis que le reste de l'escadre était pourchassé par les croiseurs Dartmouth et Quarto (Italien). D'autres sorties, ave des moyens parfois plus réduits en 1916 se soldèrent par la destruction de seulement trois chalutiers de patrouille. Le 22 avril 1917, lors d'une autre sortie (il y en aura 10 en 1917), se soldera par la seule destruction du vapeur Japigia. La seule action majeure fut la sortie du 14-15 mai, mieux connue comme la "bataille du détroit d'Otrante". Le 15 mai 1916, le croiseur Britannique Dartmouth débouchait du canal d'Otrante et passait devant l'UC25 qui rentrait d'une mission de mouillage de mines devant Brindisi. Il fut torpillé par ce dernier, et laissé pour perdu. Son équipage l'avait évacué, mais les quelques hommes qui restèrent non seulement comatèrent les brèches, mais le conduisirent au port. Le Dartmouth en perdition avait lançé un SOS capté par le Boutefeu, qui vint sauver les rescapés, mais sauta sur une des mines de l'UC25. Le submersible Le Verrier, quatre jours après, torpillait sans résultats le Blitz au cap Planka.

Le 13 février 1918, le Bernouilli sautait sur une mine en tentant de pénétrer les bouches de Cattaro. La nuit du 22/23 avril, les destroyers Triglav, Uszok, Dukla, Lika et Csepel tombaient sur les destroyers Britanniques Jackal et Hornet, le Torrens Australien et le Cimeterre Français. Durant le duel, le Hornet fut gravement touché et le Jackal perdit son mât avant, mais les Autrichiens décrochèrent. Le 10 juin 1918, une dernière et massive sortie fut effectué par l'amiral Horty, qui avait repris les rênes de la flotte depuis février et la mutinerie de Cattaro, pour s'en prendre aux navires qui bombardaient la côte. Le coeur de cette force impressionnante était les quatre dreadnoughts de la classe Tegetthoff. L'un d'eux, le Szent Istvan, fut torpillé et coulé par le MAS15 en embuscade. Devant ce drame, Horty fit se replier toute sa flotte sur Pola. Elle n'en sortit plus. Le 20 septembre 1918, la dernière perte de la guerre en adriatique fut le submersible Français Circé, torpillé par l'U47 devant le cap Rodoni (Albanie). Il coula avec tout son équipage. La flotte Austro-Hongroise fut plus tard démantelée, partagée entre Italiens, Français, Britanniques, Grecs, et Yougoslaves. Sa dernière perte (et pas des moindres!), fut le cuirassé Dreadnought Viribus Unitis, miné à Pola par des hommes-grenouilles venus le jour même de la passation officielle de la marine Austro-hongroise au "Royaume des Croates, des Serbes et Bosniaques" (La Yougoslavie).

Le torpillage du Lusitania - 7 mai 1915.

Ci-dessus : La position du Lusitania lors de son naufrage Après le célébrissime Titanic, coulé en temps de paix, le naufrage du Lusitania reste une des plus grandes tragédies maritime de l'histoire dont les conséquences ont étées déterminantes comme facteur déclencheur de l'entrée en guerre des USA aux côtés de l'entente. Dix ans auparavant, c'est la belle époque. Deux grandes compagnies transtalantiques s'affrontent à coup d'effets de prestige et de luxe, de démesure technique, et de millions de livres Sterling, sous le regard incrédule de la presse. Il s'agit des deux géants du transport de passagers, la Cunard et la White Star Line. Si cette dernière reste fameuse pour avoir mis en service en 1911-12 trois immenses paquebots, le Britannic, l'Olympic, et le Titanic, dont l'histoire ne se conte plus, sa grande rivale historique l'avait éclipsée dans les journeaux par le triomphe de son nouveau challenger, le Mauretania, dès 1907. Ce dernier sortit trois mois après le Lusitania, lui ravissant le titre de plus grand navire du monde, et y ajoutant le titre du paquebot le plus rapide du monde, en reprenant le mythique Ruban bleu et en le conservant pensant 20 ans. La Cunard désirant conserver trois navires sur sa ligne de l'Atlantique, comme la White Star line, lança plus tard l'Aquitania.

Ci-dessus : La position du Lusitania lors de son naufrage En 1914, les trois géants ne furent pas réquisitionnés car jugés top grands, et conservés dans leur rôle initial sur la ligne transatlantique. En revanche, plus tard, le Mauretania devint un transport de troupes. Par mesure d'économie et de sécurité, le navire vit sa fréquence passer d'un voyage par semaine à un par mois et deux chaudières fermées, sa vitesse tombant à 21 noeuds. A partir du 15 février 1915, le Kaiser autorisait la guerre sous-marine sans restrictions: Ses U-Bootes pourraient à présent rôder le long des îles Anglaises, et jusqu'au large des côtes d'Irlande en Atlantique Nord. Les nouvaux modèles de submersibles océaniques construits le permettaient. Le 18 février, cette décision entrait en vigueur et désormais tous les navires neutres susceptibles de ravitailler la grande-Bretagne seraient torpillés sans avertissement. Cependant les commandants Allemands avaient deux restrictions, concernant certains navires neutres, et concernant les navires ne transportant pas d'armes ou de munitions.

Du 17 au 24 février 1915, partant de Liverpool, le Lusitania effectuait sa 101eme traversée vers New York, qui fut fêtée comme il se devait. Il resta une semaine à quai avant de repartir. Ce faisant, des passagers à la double nationalité ( Allemande et Américaine ) qui devaient embarquer consultèrent l'ambassade Allemande qui leur déconseilla d'effectuer le voyage. On fit d'ailleurs passer un note en Anglais expliquant que prendre place à bord ne pouvait se faire qu'à ses "risque et périls":

"NOTICE: TRAVELLERS intending to embark on the Atlantic voyage are reminded that a state of war exists between Germany and her allies and Great Britain and her allies; that the zone of war includes the waters adjacent to the British Isles; that, in accordance with formal notice given by the Imperial German Government, vessels flying the flag of Great Britain, or any of her allies, are liable to destruction in those waters and that travelers sailing in the war zone on the ships of Great Britain or her allies do so at their own risk.

IMPERIAL GERMAN EMBASSY, Washington, D.C. April 22, 1915."

La presse eut vent de cette note et l'agitation commença à provoquer des annulations chez nombre de passagers. Confiant cependant, le capitaine William "Bower Bill" Turner, continuait à affirmer que son navire était trop rapide pour les U-Bootes et "plus sûr qu'un trolley de New York". A midi, le navire larguait les amarres et récupérait des passagers et membres d'équipage du Cameronia. Trois espions Allemands furent découverts peu après le départ et envoyés à fond de cale. 1257 passagers avaient pris place à bord, dont - comme il était de coutûme sur les grands transatlantiques - des célébrités et hommes d'affaires du temps comme le millionnaire Alfred G. Vanderbilt, le généalogiste Whitington, l'ingénieur Frederick Stark Pearson, le pianiste Charles H. Knight, les acteurs de théâtre Julius Miles Forman et Charles Klein, l'impresario Charles Frohman, l'écrivain Ian Holbourn, l'architecte T. Pope, un richissime collectionneur d'art...

Pendant sa traversée de retour, loin du confort doré des salons, les bureaux de l'amirauté reçurent une dépêche en provenance des stations de la côte qui interceptèrent un message de TSF de l'U20 du commandant Walter Schwieger qui opérait à l'ouest de l'Irlande et se dirigeait vers le sud. Le 5 et 6 mai, ce dernier coulait trois navires aux environs du Fastnet, le point final de la ligne que suivait le Lusitania. Par conséquent, le 6, la Royal Navy communiquait un avertissement à tous les navires présents, qu'un U-Boote rôdait sur la côte sud-ouest de l'Irlande. Le Lusitania reçut le message deux fois et le commandant Turner décida de procéder à des mesures de sécurité: Fermeture des portes étanches, déverrouillage des canots sur les bossoirs pour les mettre à l'eau plus rapidement, extinction partielle des feux, et doublement des veilleurs.

Le 7 mai à 11 heures du matin, il captait un nouveau message de l'amirauté, et décida alors de se rapprocher de la côte plutôt que de rester en pleine mer, où il espérait être plus en sécurité. De son côté le commandant Schwieger arrivait à cours de mazout, mais il lui restait encore trois torpilles. Il décida finalement de rentrer, et naviguait à pleine vitesse en surface. Le temps était clair. Soudain, vers 13h00, un des veilleurs signala une fumée à l'horizon, et Schwieger ordonna le branlebas. Le Lusitania se trouvait alors à 70 km du village d'Old Head of Kinsale, lorsqu'il croisa la route du submersible. Schwieger n'en revint pas de sa chance de pouvoir croiser ainsi le paquebot, qui arrivait à l'ouest, face à lui. Il pouvait fort bien l'intercepter, mais pas le poursuivre en effet car il aurait été vite distancé. Vers 14h10, arrivé à bonne distance, il plonge pour éviter d'être aperçu, et ordonne au tube 1 de faire feu. La torpille file droit vers le flanc, à l'avant de l'énorme masse noire...

A la suite de l'ouverture provoquée immédiatement à bâbord dans la coque, une seconde explosion déchira celle-ci sur une grande longueur. Les témoignages parlèrent de deux torpilles, mais les rapports officiels et le nombre de torpilles restantes à bord plaidèrent le contraire. Quoiqu'il en soit, le géant offrait une plaie béante au niveau de la proue, engloutissant à pleine vitesse des dizaines de tonnes d'eau de mer. Turner comprit immédiatement de quoi il retournait et lança un SOS tandis que des mesures étaient prises pour faire embarquer les passagers à bord des chaloupes. Mais sa gîte augmenta à grande vitesse, et notamment son assiette, car rapidement le pont avant, au niveau de la proue joua un effet de "soc de charrue", s'enfonçant toujours d'avantage tandis que le navire plongeait, accentuant son remplissage. Sa technologie de compartiments datait d'avant le Titanic, et il ne pouvait se prétendre insubmersible. Dès lors, son naufrage fut bien plus rapide ( 18 minutes ). Turner décida cependant de tenter de faire route sur la côte pour échouer son géant sur les plages. Mais le paquebot était désormais trop lourdement chargé, et ne répondait plus. Il ordonna de réduire la vitesse, mais rapidement les soutiers començèrent à évacuer les salles inondées.

Sur les ponts, Turner et son équipage ne purent juguler la panique qui s'était emparée des passagers, car la mise à l'eau des canots, pourtant cette fois en nombre suffisants, fut un cauchemar: Le Lusitania avait été assemblé avec des rivets saillants, et avec la gîte importante, la plupart des canots descendus, lourdement chargés, raclaient la coque et par conséquent, arrivaient à l'eau avec des fuites provoquées par ces rivets. Le maniement des bossoirs se révéla difficile pour les membres d'équipage, dont beaucoup de novices issus du Cameronia, (un étrange clien d'oeil à James cameron?), et par fébrilité et manque de coordination, se retournèrent, soit en descendant, soit à l'eau, d'autre encore tombaient brutalement et s'écrasaient sur des passagers, se brisaient... . Au final, sur 48 canots, seuls 6 parvinrent à rester à flot, chargés de femmes et d'enfants. La fin du géant fut terrible: Coulant par l'avant, sa proue se tordit, l'arrière se souleva, puis la coque se brisa par l'avant. L'une des cheminées explosa, et tomba sur les rescapés nageant, suivis des trois autres. Enfin, il se retourna et sombra ventre à l'air définitivement à 14h28, à seulement 8 milles de la côte d'Irlande.

Au total il y eut 1198 victimes, dont 128 américains. Le choc fut considérable, mais ne fut que le premier facteur déclencheur qui conduisit les Etats-Unis dans la guerre. La question de savoir si le Lusitania transportait armes et munitions ( les Anglais nièrent farouchement ce fait, et qualifiaient Schwieger de criminel de guerre ) reste controversée. Certains pensent que des munitions estampillées "fromage" étaient bel et bien à bord, en contrebande, et auraient provoqué la seconde explosion lors de l'impact torpille. Il reste que le prof. Ballard a visité l'épave lors d'une campagne et n'a rien trouvé de probant. Pour lui, les "munitions" étaient stockées trop loin de l'impact, mais c'était les résidus de poussière de charbon du compartiment touché qui auraient détonné. Devant le scandale provoqué par cette affaire, le Kaiser ordonna une "trève" pour les grands paquebots, jusqu'en septembre. Une médaille satirique fut fondue à Munich commémorant le naufrage du paquebot et la propagande s'empara de l'affaire, renforçant la haine des Britanniques vis à vis des "barbares", et cultivant le ressentiment profond des Américains, en dépit de leurs concitoyens attentistes dont une bonne partie était d'origine Allemande.

La bataille de Kefken (8 août 1915)


L'île de Kefken, et sa localisation.

Action mineure en mer noire, mais typique des opérations de cette époque, l'action menée au large de l'île de Kefken (Cap Kefken, a 100 km l'est du débouché du détroit de Marmara), mit aux prises un convoi de troupes et de munitions Turc (quatre cargos), escortés par le croiseur Hamidieh, et deux destroyers. Ils furent interceptés par une flotille Russe sous les ordres du capitaine Trubeskoye. Celui-ci disposait pour mener son attaque de deux destroyers, les Pronzitelny et Bystry (Unités du type Novik, très puissantes), assistés du Nerpa (classe Morzh, submersibles océaniques). La rapidité de l'offensive fut un désastre pour les Turcs qui perdirent d'un coup les quatre cargos tandis que l'escorte fut endommagée et rentra à grand-peine.

La bataille du Jutland (1er juin 1916)



De gauche à droite: Le contre-amiral R. Arbuthnot, l'amiral D.Beatty, le contre-amiral H. Hood, et l'amiral John R. Jellicoe, commandant de la Grand Fleet. Du côté Allemand, l'amiral Reinhard Scheer, commandant l'escadre principale de la Hochseeflotte, et l'amiral Franz Hipper, l'escadre des croiseurs de bataille.

Cet épisode naval de la grande guerre est sans doute de loin le plus fameux, et c'est aussi la dernière grande bataille navale en ligne ou l'aviation ne joua aucun rôle. Ce fut enfin la seule grande confrontation entre les deux grandes flottes adverses de la mer du Nord, la Royal Navy et la Hochseeflotte, et ce fut également la pleine et entière démonstration des faiblesses comme des qualités des croiseurs de bataille. ce fut enfin, de l'avis de tous les historiens et experts navals, la plus grande bataille navale du XXe siècle, et pour beaucoup, la plus grande bataille navale de l'histoire.

Les prémices (janvier-mai 1916):

Dans les racines de cette "bataille décisive" au sens d'Alfred Mahan, le stratège Américain, qui eut une influence certaine sur les Etats-majors des marines à cette époque, peuvent êtres trouvées dans le blocus imposé par la Grande-Bretagne depuis 1914 à l'Allemagne. La manche avait été ceinturée de mines, tandis que destroyers et torpilleurs étaient rassemblés dans les ports du sud de la Grande-Bretagne, tandis que l'accès au Nord, autrement plus large, était verrouillé par la présence du gros de la "Home Fleet", dans les ports Ecossais de Rosyth, Edinburgh, Cromarty et naturellement Scapa Flow, fief traditionnel de la flotte depuis le début de sa rivalité avec l'Allemagne.

Ce blocus à distance avait jusque là porté ses fruits, notamment grâce à la supériorité numérique des forces Anglaises, permettant des rotations permanentes des navires pour charbonnage en assurant une présence massive à la mer. L'Allemagne y avait répondu par ses U-Bootes: Les militaires, qui renversaient le blocus à destinations cette fois de l'Angleterre, en compromettant ses lignes commerciales, vitales, et pour son propre ravitaillement, en concevant le Deutschland, un énorme submersible cargos non armé qui fit la une des journaux en traversant l'Atlantique et ramenant une chargement de New York. Les marchandises transportées étaient toutes symboliques, mais il redonna espoir aux Allemands qui commençaient à souffrir de la pénurie.

Toutes ses escadres non métropolitaines avaient été traquées et mises hors d'état de nuire: Le Königsberg à Dar-el-Salaam en Afrique, les Goeben et le Breslau à Port-Saïd en Egypte, parvenus en Turquie, ou la flotte du Pacifique de Von Spee, basée à Tsing Tao, et qui dut fuir une coalition Nippo-Australo-Franco-Britannique jusqu'en Amérique du sud. Après une victoire remportée aux Falklands, son aventure se termina au même endroit. L'Emden, qui mena sa guerre de corsaire dans tout le pacifique et l'océan indiens pour faire diversion, fut lui aussi coulé. Ainsi, fin 1914, toutes les forces navales Allemandes hors de la mer du Nord avaient été anéanties ou immobilisées.

Les "batailles de dégagement" qui furent le propre des actions avant Jutland, comme Heligoland et le Dogger Bank, furent motivées par le souci d'attirer le gros des forces Britanniques dans les eaux Allemandes, ou mines, submersibles côtiers et torpilleurs auraient rétabli la balance avant l'affrontement décisif. Les Allemands comptaient sur leur technologie plus aboutie et leur blindages épais pour faire la différence. De leur côté les Britanniques comptaient bien attirer la Hochseeflotte en pleine mer. L'Amiral Von Pohl, jugé trop timoré, fut remplacé par Von Scheer. Devant la pression des officiers comme de l'opinion publique, jugeant l'amirauté Allemande, soutenue par le Kaiser, trop attentiste, ce dernier décida en février 1916 de le remplacer par Von Scheer, dont les vues étaient tout à fait différentes.

Fin mai 1916, Scheer jugea qu'on ne pouvait continuer à garder la flotte dans une inaction pesante. Il fit appareiller Hipper le 30 avec un "appât" de 40 navires rapides, dont les croiseurs de bataille Allemands, avec ordre de cingler vers le côtes Danoises, et d'attirer ainsi la Royal Navy en Baltique, où à quelques encablures se trouvait Scheer avec toute la Hochseeflotte. Les Allemands préparaient leur sortie lorsque les signaux furent interceptés par l'espionnage Britannique, et la Royal Navy fut informée de la sortie de Hipper. Cependant elle resta dans l'ignorance de la position de Scheer, le croyant au port. de son côté, Hipper et Scheer ignoraient totalement la présence toute proche du gros de la Royal Navy...


La Grand Fleet au Jutland (Image TDP Wikipedia)

La bataille (31 mai - 1er juin 1916):

Le dispositif de la Royal Navy se basait sur les cuirassés de la Grand Fleet, notamment ses escadres rapides de dreadnoughts, aux ordres du commodore Jellicoe, et en "reconnaissance", les escadres rapides de croiseurs de bataille de David Beatty de la Home Fleet, venant de Rosyth. C'est ceux-ci qui rencontrèrent à 2h00 la "pointe" du dispositif Allemand incarné par Hipper. Le premier navire à apercevoir les Allemands fut le croiseur léger Galatea, il eut le temps de tirer quelques obus avant de se replier devant la menace des 280 mm des navires de ligne de Scheer. Ce dernier disposait ses cinq unités principales (Lützow, Derfflinger, Seydlitz, Moltke et Von Der Tann) en ligne, encadrée par plusieurs croiseurs légers et torpilleurs de haute mer. En face, Beatty disposait des Lion, Princess Royal, Queen Mary, Tiger, New Zealand et Indefatigable en deux colonnes parallèles, escortées et précédées par des croiseurs cuirassés et légers et encadrés par des destroyers. Le jeune et bouillant contre-amiral Horace Hood ("The Hon") de son côté, disposait de 3 croiseurs de bataille (dont l'Invincible, portant sa marque, l'Indomitable et l'Inflexible, ainsi que 8 croiseurs cuirassés dont les formidables Defence, Warrior, Black Prince et Duke of Edinburgh, commandés par le contre-amiral Robert Arbuthnot.).

Sur le papier, la supériorité en artillerie britannique était patente (des pièces de 305 et 343 contre 280 et 305). De plus, les systèmes de visée automatique perfectionnés étaient bien rôdés, contrôlés par le firing director qui les synchronisaient efficacement. Mais rapidement, les faits allaient démontrer la supériorité Allemande: Bien que disposant d'une artillerie plus modeste mais d'instruments optiques également performants, les Allemands utilisèrent rapidement une technique de tirs en échelon, afin de rapprocher chaque salve, et surtout se distinguaient par une cadence de tir nettement plus élevée, presque du double, contrepartie d'un calibre inférieur. Les Anglais de leur côté avaient adopté une technique plus progressive, avec des tirs d'une pièce par tourelle, et une bordée complète lorsque la bonne distance semblait trouvée. Mais ceci impliquait le temps de recharge de plusieurs pièces, les Allemands tirant eux en continu. Par ailleurs, comme il fut démontré en étudiant les navires impliqués dans la bataille et réparés en cale sèche, les bâtiments Allemands encaissèrent certainement plus de coups, du fait d'une meilleure précision Anglaise mais la moitié des obus Anglais avaient une malfonction et n'explosaient pas. De leur côté les anglais perdirent leurs croiseurs de bataille suite à des incendies communiqués trop rapidement à leurs soutes à munition à cause de leur cordite (gaz d'échappement des canons, résidu des douilles) hautement explosive qui stagnait dans des compartiments mal ventilés. Enfin, la qualité du blindage Allemand est sans doute l'explication la plus plausible quand au chiffre des pertes étonnamment faibles de la Hochseeflotte face à un véritable déluge de feu.

Globalement, l'engagement fut bref, indécisif, Hipper repliant ses navires comme prévu sur Scheer. A 3h45 cependant la bataille entre les deux avant-gardes faisait rage. Jellicoe décida d'envoyer Hood en renfort avec d'autres croiseurs de bataille. La disposition des navires Britanniques faisait que malgré la fumée du charbon, les gerbes et la fumée des tirs, gênant la visibilité des deux adversaires, la silhouette des navires Britanniques se découpait sur l'horizon, permettant aux Allemands de mieux concentrer leurs tirs. Rapidement la plupart des navires de Beatty furent en difficulté, encaissant des coups, jusqu'à la destruction du HMS Indefatigable. Puis ce fut le tour du Queen Mary. Les ordres de Beatty par ailleurs, furent mal interprétés, ce dernier enjoignant de concentrer les tirs de deux premières unités sur le croiseur de bataille N°1 de la flotte Allemande, (mais la situation était inversée pour les commandants Britanniques et la confusion s'installa). La vieille technique de Nelson consistant à obtenir une supériorité locale ne fonctionna pas.

De leur côté, c'est également une méprise qui eut paradoxalement raison du croiseur de bataille Anglais Queen Mary: Deux des navires Allemands concentraient leur tirs sur lui, appliquant involontairement à la lettre la tactique de Nelson. Les anglais étaient également trompés par le croiseur léger placé à l'avant de la ligne qui dégageait une fumé prise pour celle d'un croiseur de bataille. Or, le croiseur léger était nettement plus petit et donc plus difficile à toucher, et de précieux obus gaspillés tandis que des navires Allemands étaient épargnés. Beatty ne renonça pas pourtant à son plan se rapprocha encore des Allemands. Ces derniers, pourtant avantagés par la portée plus réduite de leurs pièces, ( le tir s'effectuait à moins de 16 000 mètres ) furent à leur tour en difficulté avant de revenir à l'avantage par l'arrivée au grand galop de Scheer. Les lignes de cuirassés de ce dernier furent cependant détectées par un navire, aventuré à l'avant-garde de sa propre flotte, le HMS Southampton. Il s'empressa de télégraphier la nouvelle à Jellicoe. Le piège de Scheer était éventé, et Beatty avait réussi par son sacrifice à immobiliser toute la flotte Allemande tandis que Jellicoe arrivait pour envelopper la Hochseeflotte.

Au beau milieu de cette confrontation, un grand voilier blanc surgit de nulle part, et traversa tel un fantôme cet enfer de Dante peuplé de colosses gris vomissant des torrents de fumée noire, dans une forêt d'écume. Les matelots des deux camps étaient stupéfaits car le navire traversa la zone qui se trouvait entre les deux ligne de batailles, sans émettre le moindre signal, s'éloigna et disparut. Bien évidemment, quelques marins des deux camps affirmèrent plus tard qu'ils s'agissait d'un présage de victoire, d'autres au contraire de défaite, certains le prenant pour le mythique "Hollandais volant"...


Le croiseur de Bataille Queen Mary en train de sombrer

A 4h40, Beatty changea donc de cap vers les escadres de Jellicoe, en espérant qu'Hipper en ferait autant. Mais les dreadnought de la 5e escadre, de l'amiral Evans Thomas, n'avait pu apercevoir les signaux envoyés du HMS Lion, portant la marque de Beatty, et se retrouva en face de la flotte de Scheer. Ses dreadnoughts rapides Valiant, Barham, Warspite et Malaya, croisèrent ainsi le fer en même temps contre Scheer et Hipper, tout en changeant de cap à 4h57. Ils parvinrent à toucher de leurs redoutables 381 mm le Grösser Kurfurst, le Markgraf, le König, le Seydlitz, le Lützow, et le Derfflinger. On imagine sans peine la stupeur des Allemands devant les gigantesques gerbes apparues d'un coup, provenant de ces gros calibres de derrière la ligne de bataille de Beatty... Un piège beaucoup plus vaste se mettait en place: La flotte de Jellicoe tentait une vaste manoeuvre de contournement, la tactique célèbre du "T".

Scheer allait être coupé de ses bases. Pour se dégager il allait alors tenter une manoeuvre désespérée et restée célèbre par son audace, la "charge à mort". Quatre de ses croiseurs de bataille les moins endommagés, guidés par l'héroïque Derfflinger et escortés par des torpilleurs de haute mer allaient foncer sur la ligne Britannique pour tenter de la traverser. La manoeuvre était osée: Il se mettait en position d'éperonnage, mais en même temps offrait une cible réduite aux canonniers Anglais. Les Britanniques connaissaient la qualité des torpilles Allemandes: Ils rompirent leur formation, mais parvinrent cependant à concentrer leurs tirs sur le navire de tête, qui fut coulé. Le Derfflinger fut ainsi la seule perte la plus sévère de cette bataille dans le camp Allemand. Les autres pertes furent le vieux cuirassé Pommern, à la traîne suite à la manoeuvre de retournement de Scheer, ainsi que quatre croiseurs légers et 5 destroyers. Plusieurs Zeppelins furent mis en oeuvre sans succès, de même que les U-Bootes en faction derrière le détroit de Skaggerak. C'est ainsi que se termina la dernière phase de la bataille.

Profitant d'un immense banc de brume, Scheer et Hipper s'échappèrent et regagnèrent les eaux Allemandes et le port de Wilhemshaven, aidés par la diversion créée par les torpilleurs de haute mer, gardant les navires Britanniques en respect. Ces derniers eurent à déplorer la perte de 3 croiseurs de bataille, 3 croiseurs-cuirassés, un croiseur léger et 5 destroyers. Le bilan était donc relativement en faveur des Allemands, mais bon nombre des navires de ligne de la flotte avaient étés durement endommagés et furent immobilisés plusieurs mois en réparations. La controverse dure encore sur le détail des opérations, mais il est un fait avéré que l'on reprocha à Beatty et Jellicoe (surtout par Churchill) de n'avoir été plus loin, d'avoir gâché une occasion unique en laissant filer la flotte, tandis que Scheer et surtout Hipper furent fêtés comme des héros.

Ce fut la dernière bataille navale d'envergure de la grande guerre. Après cette occasion, le gros de la flotte de ligne ne devait plus quitter ses ports, et c'est presque intacte et composée de nouveaux bâtiments qu'elle fut contrainte de rejoindre sous bonne escorte la grande base navale de Scapa Flow où elle se saborda en 1919, après qu'une mutinerie "rouge" fut évitée de justesse. Marins et officiers en gardèrent un amer souvenir, et à leur retour en Allemagne, alors qu'à Berlin ce n'était que troubles politiques et affrontement de bandes armées, les Officiers disaient "plus jamais de Scapa Flow", symbole de l'humiliation suprème de l'Allemagne. Le discrédit jeté sur la marine pesa sur le réarmement Allemand à partir de 1933: Hitler jugeait une flotte de surface inutilement coûteuse et préférait consacrer ses efforts sur l'aviation et les sous-marins. Cependant à partir de 1935-36 et les accords navals Anglo-Allemands, le rêve d'une puissante flotte de surface revint. Son premier représentant (et le plus fameux) fut le cuirassé Bismarck. Mais ceci est une autre histoire...

Forces engagées :

ROYAL NAVY: 54 navires HOCHSEEFLOTTE: 42 navires 9 Croiseurs de bataille 5 Croiseurs de bataille 28 Cuirassés 22 Cuirassés 34 croiseurs 11 Croiseurs 78 Destroyers 61 Destroyers PERTES: Battlecruiser: 3 1 Battleships: 0 1 Cruisers: 3 4 Destroyers: 8 5

L'action du pas de Calais (21 avril 1917)

Le Pas-de-Calais (Dover strait pour les Anglais), qui commandait le passage dans l'Atlantique pour la flotte Allemande. Les autres routes consistaient à passer par le cercle arctique, ce qui ne pouvait se faire que l'été, ou entre l'Islande et l'Ecosse, s'exposant dangereusement à la Grand Fleet ancrée à Scapa Flow toute proche. Un barrage de mines assez serré dont les passages n'étaient connus que des alliés fermait le détroit. Afin de pouvoir éclaircir le terrain, la Hochseeflotte pouvait envoyer sur place des drageurs de mines, mais à condition de les couvrir par des destroyers. La côte Flamande et Belge étant sous la domination Allemande, ces derniers avaient établi une base navale importante à Zeebruges, repaire de submersibles et torpilleurs qui harrassaient le trafic allié. De très nombreuses escarmouches avaient lieu entre unités Franco-Britanniques et Allemandes en manche et en particulier dans le détroit de Douvres qui allait connaître une série d'accrochages de plus en plus sévères en 1917-18.

Le plus important de tous prit place durant la nuit du 20 au 21 avril. La veille, deux groupes de 6 destroyers de la Hochseeflotte d'en prenaient aux fortifications de Douvres et aux patrouilleurs présents. Peu avant minuit, les deux groupes se séparèrent, l'un d'eux attaquant et bombardant Calais et l'autre Douvres. L'amirauté, prévenue, avait contacté deux destroyers leaders en patrouille non loin, le Broke et le Swift. Aux première lueurs de l'aube, ces derniers débusquaient les 6 destroyers Allemands près du banc de Goodwin et ouvrirent le feu. Sur le papier les Allemands avaient l'avantage avec 6 destroyers contre 2 à la Royal Navy, mais le Broke était un destroyer lourd, un leader parmi les plus puissants au monde. Le Swift détenait ce titre, et avait presque le rang d'un croiseur léger. Quand aux destroyers Allemands, ils n'étaient guère que de gros torpilleurs.

Durant l'action qui fut menée à très courte portée, et fut assez confuse en raison du manque de visibilité. Toutefois, le tir des deux bâtiments Britannique se concentra sur le G85, le Swift finit par le torpiller et le couler, tandis que le Broke éperonna si violemment le G42, déja endommagé par les tirs Anglais, que sa proue resta coincée dans la coque du destroyer Allemand. Il s'ensuivit alors ce qui n'arrivait que du temps de la marine à voile: Les marins Anglais et Allemands récupérèrent toutes les armes du bord et une fusillade générale commença. Le Broke avait l'avantage du simple fait de son équpage plus important ( 197 contre 87 ), tandis que les soutiers s'afféraient à forcer la puissance des machines pour qu'il se dégage. Ce fut fait enfin vers 2 heures du matin, et en se libérant, le Rooke laissait l'eau remplir brusquement la coque du G42. Ce dernier coula rapidement. Les 4 autres destroyers avaient fui, légèrement endommagés, rejoignant les 6 autres, et prenant la direction de la côte.

Le HMS Broke dont la proue avait étée tordue laissait passer des tonnes d'eau dans les compartiments avant et donna rapidement de la bande. Il fut remorqué par le Swift juqu'à bon port. Il servit jusqu'en 1920 mais continuera sa carrière dans la flotte Chilienne. Cet affrontement mineur n'eut pas de conséquences sur la poursuite des opérations: Les Allemands tentèrent de nouveaux raids sur la côte, auxquelles répondaient des sorties de monitors, bombardant les ports Belges. Ce n'est qu'avec le raid de Zeebruges que l'on décida d'en finir une bonne fois avec la plus grande et plus proche base Allemande.

La bataille du détroit d'Otrante (15 mai 1917)


Le barrage d'Otrante

Le détroit d'Otrante, entre Corfou et Brindisi, qui est le passage de l'adriatique vers la méditerranée, était large d'environ 100 km et "fermé" durant la guerre par le fameux "barrage d'Otrante". En réalité ce dernier, conçu par les Britanniques avec des moyens réduits, ne fut guère efficace, notamment contre les submersibles. Il comprenait une cinquantaine de chalutiers armés dotés de TSF qui devaient avertir les bases proches, dépêchant sur place des bâtiments pour la plupart ancrés à Brindisi, à "portée de fusil". L'Autriche-Hongrie pour sa part, n'eut de cesse d'effectuer des raids sur ce "barrage". Le peu de chalutiers disponibles sur un si grand secteur rendait la surveillance difficile, laissant de vastes zones découvertes. La défense s'appuyait aussi sur des champs de mines près des côtes, la plupart mouillées à 20 mètres de fond, les chalutiers mouillant de grands filets en acier censés les avertir du passage des submersibles. On estime cependant que par mauvais temps et de nuit toute la flotte Austro-Hongroise aurait pu passer tranquillement au travers et menacer gravement les convois, notamment vers les Dardanelles. Heureusement pour les alliés cette situation n'eut jamais lieu, et seuls des submersibles passèrent (Seul l'U6 fut capturé).

En fait, les rares unités Austro-Hongroises vraiment actives furent des escadrons comprenant en général un croiseur léger de la classe Admiral Spaun et plusieurs destroyers ou torpilleurs de haute mer. Plus de 30 sorties furent effectuées en 4 ans de guerre (voir "opérations en adriatique"), la plupart sans résultats. Elles ne dégénérèrent que très rarement, à une exception près: La bataille du 15 mai 1917. Le 14, la flotille Austro-Hongroise commandée par le capitaine Miklos Horty, futur amiral en chef de la flotte, appareillait de Cattaro pour un énième raid sur le barrage, afin de s'en prendre aux lignes de surveillance. Cette flottille se composait cette fois des trois croiseurs légers de la classe Spaun, repeints et déguisés en destroyers. Ils avaient d'ailleurs une silhouette attirant la méprise avec les Tatrà, et comptaient jouer dessus. Ils étaient accompagnés par deux destroyers modernes (Czepel et Balaton) et trois U-Bootes.

Le 17, en pleine nuit, l'escadron débusquait un transport de munitions escorté par un destroyer Italien, qui furent tous deux envoyés par le fond. Ils s'en prirent ensuite comme prévu pendant deux heures, de 3h30 à 5h30, aux chalutiers de suveillance, en en coulant pas moins de 14, tandis que 12 autres étaient gravement endommagés. L'alerte fut donnée et l'escadre combinée Anglo-Italo-Française à Brindisi, sous le commandement en chef de l'amiral Italien Alfredo Acton, appareilla en urgence pour intercepter les navires de Horty avant leur repli. La rencontre eut lieu sous l'oeil vigilant des hydravions de surveillance alliés du secteur. En tête de l'escadre alliée, se rouvaient les croiseurs Dartmouth et Bristol, et quatre destroyers Italiens menés par l'Aquila. Vers 7h45, ces derniers arrivaient à apercevoir les navires Austro-Hongrois qui mettaient cap au nord, et l'interception qui aurait pu mener à la destruction de l'escadre de Horty fut un échec du fait du manque de coordination des navires alliés. Seul l'Aquila fut gravement touché par les tirs, le reste des navires s'échappant. Une poursuite s'engagea. Cette dernière, à pleine vitesse était trop intense pour deux destroyers qui firent volte-face victimes de pannes machines, de même que le Bristol, et finalement seul le Dartmouth et deux destroyers continuèrent la chasse.

Le Novara fut touché, sa passerelle dévastée et les officiers dont Horty morts ou blessés. Le Saida, également touché, intervint pour le prendre en remorque, et le Dartmouth aurait pu les couler tous deux si un "miracle " ne se produisit: Le veilleur Italien détecta en même temps que des fumées à l'horizon venant de Cattaro le pavillon le signalant. Craignant le renfort d'unités lourdes, le Dartmouth et son escorte cessèrent la poursuite et firent volte-face. Les croiseurs endommagés rejoignirent Cattaro peu après. Le Dartmouth fut torpillé au retour par l'UC25 (du type mouilleur de mines) et y survécut, tandis que le destroyer Français Boutefeu sauta sur l'une des mines déposées à l'entrée de Brindisi par ce même submersible.

Horty, bien que gravement blessé, retira de cette action un prestige tel que lorsque la mutinerie de cattaro éclata et qu'un changement de tête s'imposa, il fut promu au grade de contre-amiral et de commandant en chef de la flotte jusqu'à l'armistice. Quand au responsable de la défense d'Otrante, il fut blâmé pour son innefficacité, mais personne ne pouvait prétendre pouvoir renforcer ce barrage sans les moyens adéquats, qui n'arrivèrent que fin 1917 avec l'entrée en guerre des USA et des renforts Australiens avec l'apport de 35 destroyers et 52 chalutiers. Le bilan de cette affaire était mitigé. Le Dartmouth et l'Aquila étaient hors-service pour des mois en cale sèche, un transport, un destroyer Italien, furent coulés et la plupart des chalutiers de surveillance avaient étés mis hors de combat; tandis que le Helgoland n'avait été que légèrement atteint, les deux autres plus gravement. Aucune nouvelle sortie ne fut planifiée dans l'immédiat.

La bataille du Golfe de Riga (12-20 octobre 1917)


Les îles du Golfe de Riga.

Cette action se situa en mer Baltique entre des unités Russes et Allemandes dans le cadre de l'"opération Albion", amphibie de la marine Allemande. Elle est aussi appelée "bataille de l'île de la lune" par les Anglo-saxons. L'essentiel de l'engagement s'est en effet tenu le 17 dans l'étroit passage de l'île de Muhu ("La Lune").

L'idée des Allemands, débarquant aux îles de Vormi (Worms), Hiiumaa (Dago), Muhu (Moon) and Saarema (Osel), était d'y installer des batteries menaçant la sortie des unités Russes présentes à Riga. Mais les Russes avaient eux-même installé des batteries côtière pour empêcher l'entrée dans le golfe, notamment à Ozel, sur la pointe sud de Zerel. Pour cette opération, la marine Allemande rassembla ses plus gros effectifs jamais déployés pour une opération en Baltique: 10 cuirassés dreadnoughts prélevés sur la Hochseeflotte, des croiseurs, des destroyers, des mouilleurs de mines et plusieurs escadrilles d'hydravions pour la reconnaissance. A Riga, les forces Russes comprenaient deux pré-dreadnoughts (Le Slava et le Grazdanin, ex-Tsessarevitch - renommé avec la révolution toute récente), assistés par des croiseurs, destroyers, et trois submersibles Anglais.

Le 12 Octobre, l'escadre Allemande arrivait au large de l'île d'Osel, puis entrait dans le détroit d'Irben, les cuirassés pilonnant les batteries de la pointe de Zerel. Le second objectif était d'entrer dans le golfe et de débarquer des troupes pour prendre la ville et le port d'Arensburg. Les cuirassés Grosser Kurfurst et Bayern sautèrent sur des mines, mais survécurent, tandis que les forces légères Allemandes escarmouchèrent avec les forces légères Russes dans l'étroit passage entre les îles de Dago et Osel. Le 14, les roupes débarquées au sud avaient pris à revers les forces stationnées à la pointe de Zerel et s'étaient emparé de l'île. Mais au nord, du côté de l'île de la lune, la flotte envoya en renfort plusieurs cuirassés pour soutenir les forces légères. Durant l'affrontement, le destroyer Russe Grom fut envoyé par le fond, mais les troupes Russes restaient maîtres de l'île.

Le 15 enfin, les batteries de Zerel, qui contrôlaient le détroit, étaient prises par les troupes Allemandes, permettant aux dragueurs de mines de nettoyer les champs protégeant le passage vers le golfe. Le 16, le travail de nettoyage avait été effectué et la flotte Allemande pénétrait dans le golfe. Le 17, ils arrivaient en vue du sud de l'île de la lune et une bataille s'engagea avec le gros des forces Russes qui se retiraient du Golfe, massant par le détroit entre le continent et l'île de la Lune.

Un duel d'artillerie inégal durant lequel le Slava et le Grazhdanin furent gravement endommagés par le König et le Kronprinz, ainsi que le croiseur cuirassé Bayan, mis hors de combat par le König. Irrécupérable, le Slava est sabordé et achevé par les torpilles d'un destroyer, tandis que les forces restantes se repliaient vers le nord, en évacuant les troupes Russes de l'île de la Lune, non sans mouiller des mines, sur lesquelles le S64 sauta peu après minuit le 18. Le 18 au cours de la journée, un débarquement à Dago emporte rapidement la décision, puis les forces Russes se repliaient le 19 sur Worms, puis prenait la direction du Golfe de Finlande.

La seconde bataille de Heligoland (17 novembre 1917)

L'île de Héligoland, aux avants-postes de la côte Allemande, fut l'objet d'un autre engagement mineur après Jutland. Les dragueurs de mines Allemands qui dégageaient les champs de mines Anglais mouillés au large de la baie furent interceptés par les croiseurs légers Calypso et Caldeon. Les dragueurs à la seule vue des fumées des croiseurs sur l'horizon se replièrent sur les deux cuirassés en faction, le Kaiser et le Kaiserin, sous les ordres du contre-amiral Ludwig von Reuter. Tout en demandant par TSF l'appui de la première escadre de croiseur de bataille (Glorious, Courageous, Tiger, Renown, Repulse), commandée par l'amiral sir Charles Napier, les croiseurs engagèrent brièvement les cuirassés, avant que le Calypso ne recoive un impact de 280 mm sur son gaillard d'avant qui rasa la passerelle et tua tous les officiers présents. Le second croiseur décrocha tandis que l'escadre Allemande se repliait prudemment à la vue des panaches noirs de l'escadre de Napier, à travers ses propres champs de mines, perdant au passage un torpilleur.

La bataille de l'Atlantique (1914-18)


Une scène courante en 1917: Le grenadage d'un submersible par un destroyer en escorte - ici le Tempest. Image Wikipedia DP

Par deux fois au cours du XXe siècle, les Allemands ont tenté d'isoler la Grande-Bretagne de ses colonies, vitales pour sa population et son effort de guerre. Ne bénéficiant pas d'une supériorité navale classique ( de surface ), la marine Allemande à engagé une guerre sous-marine sur une vaste échelle. En 1914, le concept de submersible était encore frais, mais avait été accepté dans son principe par tous les pays. Il n'était plus désormais du domaine de l'expérimentation. Même la très conservatrice Royal Navy s'était équipée de dizaine de submersibles issus des brevets américains de John Holland, l'une des grandes références de l'époque en la matière.

Quand à la Hochseeflotte, elle disposait à l'entrée en guerre en août 1914 d'environ 45 unités. Ces dernières étaient récentes et de bonne facture, mais de conception très différentes des submersibles type Holland. Elles avaient étées au départ conçues par un ingénieur Espagnol, d'Ecquevilley, transfuge de chez Gustave Laubeuf dont c'était le bras droit. La conception des premiers U-Bootes dérivait donc étroitement du "Narval" Français, dont le concept général peut se résumer en un "torpilleur submersible" dans lequel les capacités de surface était privilégiées au détriment des capacités submersibles.

Mais surtout, le gros des bâtiments alors en service était alors d'un génération qui avait complètement ignoré de submersible et n'était donc pas protégé sous la flottaison. Jamais en effet au cours de la seconde guerre mondiale, le "score" enregistré par les U-Bootes ne fut aussi important (pour l'anecdote, le recordman fut Otto Kreshmer qui coula 46 navires -270 000 tonnes- en 16 sorties). La guerre sous-marine en était à ses débuts, et la lutte anti-sous-marine était alors un concept entièrement inédit. Certains "as" des submersibles firent leur apparition, devenus des héros nationaux, comme Lothar von Arnauld de la Perière (194 navires - 450 000 tonnes), d'origine Française Huguenote, mais aussi Johannes Lohs (165 000 tonnes), ou Reinhold Saltzwedel (111 navires, plus de 300 000 tonnes). D'autres enfin se sont rendus célèbres pour d'autres raisons: Le jeune Walther Schwieger, qui coula le Lustinia, classé d'ailleurs par le "Jane's Fightning ships", la revue navale de renommée mondiale, en bonne place dans tous les navires de guerre, comme croiseur auxiliaire potentiel, et qui fut taxé de criminel de guerre, ou Paul König, venu de la marine marchande, et qui commanda le submersible cargo Deutschland, ralliant les USA, ou encore Karl Dönitz, le futur amiral commandant les U-Bootes lors du second conflit mondial, et qui reçut durant sa carrière deux croix de fer, commandant les U-25 et U-68.

Face à cette impunité au début de la guerre (lourdes pertes militaires des Britanniques et Français en méditerrannée notamment), un système fut mis en place, celui des convois. Le principe remontait à l'antiquité et se comparait à un troupeau escorté par des chiens de garde - en l'occurrence des destroyers. Natuellement dans cette fable cruelle, les "loups" étaient les U-Bootes. Malgré cela, les pertes restèrent très élevées. On développa progressivement un système primitif d'écoute (pas encore de sonar) car l'eau conduisant bien les sons, un simple "pot de yahourt" collé à l'oreille et à la paroi en fond de cale pouvait trahir le son des hélices d'un submersible en plongée. On développa aussi une nouvelle arme, la grenade sous-marine. Ces "bidons" remplis de TNT possédait une molette de réglage de mise à feu, actionnée avant leur lancement sur rampe (généralement en poupe), et explosaient donc à la profondeur où était supposée se trouver le submersible ennemi. Toutefois, encore jusqu'en 1918, les submersibles plongeant lentement, l'attaque au canon en surface ou même l'éperonnage était très courants.

Une arme inhabituelle, une ruse plutôt, fut trouvée. Avant que les convois ne se généralisent, les cargos naviguaient isolément. Il suffisait à un U-Boote de s'en rapprocher jusqu'à portée de tir, de l'araisonner sous la menace de ses torpilles, d'envoyer une chaloupe à bord, inspecter les stocks, qui selon leur nature, provenance ou destination décidait du sort du bâtiment, puis soit laisser le navire continuer, soit le capturer avec un équipage de prise, soit (le plus courant), le couler ou le saborder, aprés avoir fait évacuer l'équipage. Le conservatisme des armateurs et compagnies maritimes fit que le système des convois mit du temps à s'imposer. Mais les Britanniques avaient mis au point une ruse nommée "Q-ship", ou "navire-leurre". Il s'agissait d'un cargo armé, parfois lourdement, mais ayant les apparences d'un navire civil innoffensif. Lorsqu'un U-Boote émergeait à proximité pour inspection, qu'une chaloupe était mise à l'eau pour inspection, le S-ship dévoilait soudain ses batteries à poste, bien cachées sous des bâches ou des plaques de tôles peintes, et faisait feu. Parfois le submersible répliquait et ont vit de véritables duels se terminer de manière fatale pour les deux protagonistes.

L'effet le plus visible de cette tactique fut de dissuader les commandants de U-bootes d'arraisonner les cargos isolés, mais de les couler après reconnaissance sommaire des pavillons. L'autre raison fut l'inefficience des araisonnements classiques, les cargos ne pouvant par êtres indéfiniment capturés, faute d'hommes pour les manoeuvrer à bord des U-Bootes ou de place pour les prisonniers. Ce fut la "guerre sous-marine sans restrictions" lancée par le Kaiser à partir de février 1915. Désormais tous les navires marchands alliés seraient torpillés à vue dans une vaste zone entourant les îles du Royaume-uni. L'usage des submersibles prenait alors son visage le plus hideux, qui alla en s'aggravant jusqu'à la fin de la guerre. Le 7 mai, le torpillage du Lusitania, la plus grave tragédie "civile" après le Titanic, achevait de monter les opinions contre les sous-marins et l'Allemagne. Devant la crainte d'une entrée en guerre des USA, le Kaiser décida en septembre d'interrompre quelques temps sa guerre sans restrictions. Beaucoup de U-bootes passèrent en méditerranée, bravant le détroit de Gibraltar sous surveillance Anglaise, et commençèrent à chasser sur un terrain très favorable: Temps clair, excellente visibilité, mer généralement calme, ports neutres et alliés, et navires généralement lents et obsolètes, proies faciles.

De leur côté les Britanniques engageaient leur effort dans la contitution des convois, et multipliaient les tactiques de défense: On testa par exemple l'usage des routes en zig-zag, en changeant de cap fréquemment on espérait tromper les U-Bootes sur la route réelle et gêner leurs calculs de tirs. On misa également sur la mise en place d'un "bureau du camouflage". Pour la première fois, l'armée employait des artistes contemporains (surtout des cubistes) pour déployer leur talent sur les coques et les rendres indicernables. De véritables oeuvres méconnues et un véritable courant artistique nacquit ainsi, au départ purement utilitaire: Le "razzle dazzle art". Ou comment transformer un paquebot ou un cargo en véritable "zèbre multicolore". Une équipe était chargée de tester sur maquette de nouveaux schémas que les peintres traduisaient dans la réalité sur des coques parfois gigantesques (comme celle des "liners" employés comme transports de troupes et croiseurs auxiliaires). Le camouflage n'atteint ses lettres de noblesse et ne fut généralisé qu'à la fin de l'année 1917. En effet, dès février de cette année, le Kaiser décida de mettre fin à la "trève" dans sa guerre sous-marine sans restriction, qui allait repartir de plus belle avec plus de U-bootes que jamais, et surtout sans distinctions entre neutres et ennemis.

Le "blocus", des îles Britanniques difficile à tenir au vu des distances était d'ailleurs réciproque, et les U-Bootes commençèrent à jour aussi le rôle de "forceurs de blocus". ( la dépendance de l'Allemagne vis-à vis de ses liaisons maritimes n'était pas comparable ). Ainsi, le Deutschland, premier submersible cargo, non armé, fut bâti en 1916 pour pouvoir rallier un port neutre et revenir en Allemagne avec un chargement civil sans être inquiété par la surveillance Britannique. Bien que l'exploit resta anecdotique - le Deutschland servit surtout à concevoir un nouveau type de "croiseur submersible" à long rayon d'action, lourdement armé, il augurait de nouvelles évolutions des types de submersibles, déjà élargis à des unités mouilleuses de mines océaniques et côtières. Peu onéreux et ne nécessitant qu'un équipage réduit, les U-Bootes côtiers, du type UB furent largement mis en oeuvre sur la façade des flandres jusqu'au côtes du Danemark. Avec l'engagement des USA consécutif à leurs propres pertes subies du fait des U-bootes, le pari était presque gagné: 1030 navires avaient étés coulés avant le mois d'avril et l'Angleterre subissait une saignée comme jamais dans son histoire, il ne lui restait plus que 6 semaines de réserve avant l'interruption définitive de ses liaisons et la famine.

Avec la production d'escorteurs venant de chantiers, civils, de nouveaux destroyers, des grenades sous-marines, des convois et du camouflage, mais surtout avec l'entrée en guerre des USA et de leurs propres escorteurs (c'était le début de la production des centaines de "four stackers" qui allaient sillonner l'atlantique nord en 1918), la situation commença à se rétablir au profit des alliés. Les chiffres des pertes s'établirent pour les Britanniques à 252 000 tonneaux de jauge brute (Tjb) pour 1914, 885 500 pour 1915, 1 240 000 pour 1916, 3 660 000 pour 1917 (et 166 000 pour les USA), et enfin 1 630 000 pour l'année 1918. Ce dernier chiffre traduit bien l'évolution des moyens déployés contre la guerre des U-Bootes lors de ces deux années critiques, alors même que la Hochseeflotte était maintenue inactive après la victoire en demi-teinte de Jutland. L'équivalent en tonnage réel total était de 12 540 000 tonnes. Lorsque la capitulation fut signée, 182 U-Bootes avaient étés coulés. Ces derniers avaient envoyé par le fond près de 16 millions de tonnes de navires (plus de 3000) civils et militaires. Le traumatisme était donc grand chez les alliés qui exigèrent l'interdiction totale pour l'Allemagne de concevoir et de posséder des submersibles. On sait ce qu'il en adviendra...

Le raid de Zeebrugge (23 avril 1918).


Les restes de deux croiseurs Britanniques dans la rade (Photo Wikipedia TDP)

Le Raid de Zeebrugge sur la côte Wallone reste l'un des faits d'armes les plus spectaculaires de la grande guerre. Il trouve une résonnance certaine face au seul raid naval qui peut lui être comparé, celui sur Saint Nazaire les 27-28 mars 1942. Dans le cas précis de ce raid, il s'agissait de neutraliser durablement l'une des principales bases navales Allemandes sur la côte Belge, qui en possédait alors deux importantes, Ostende (Oostend) et Zeebrugge. La première plus au sud étant d'accés plus difficile et verrouillée par le barrage de feu de ses nombreuses batteries, mais Zeebruge, qui en outre servait de base d'hydravions (signalant les moindres faits et gestes des navires alliés en manche) bien protégés grâce au grand môle incurvé du port, et à ses propres batteries était plus intéressant.

En Flamand, Zeebrugge signifie littéralement, "Bruges sur mer": Il s'agit historiquement d'un canal reliant Bruges à la mer, et du premier port de pêche touristique de la côte, devenu station balnéaire au XIXe siècle. Celui d'Ostende fut construit plus tard et était nettement plus long et tortueux. La base navale de Zeebrugge n'était pas bien protégée (sinon naturellement) et comptait une dizaine de submersibles et de torpilleurs y transitant et des vedettes lance-torpilles en permanence, qui menaçaient constamment le trafic venant de mer du Nord. Mais surtout son canal consittuait le premier débouché des nombreux submersibles basés à Bruges. Lors de l'offensive terrestre Britannique du saillant d'Ypres durant l'été 1917, on tenta une offensive localisée pour prendre Bruges. Mais la bataille d'Ypres qui devait permettre de crééer cette percée s'acheva par le massacre de 200 000 hommes sans la moindre avancée significative ( Bruges restait à 40 km du front ). Les Bombardements côtiers menés par des monitors étant risqués du fait des batteries Allemandes, une opération du type "commando" (le terme n'existait pas à l'époque) fut montée pour bloquer le port et le canal in situ.

L'idée du raid venait de Sir John Jellicoe, alors premier lord de la mer, peu avant sa démission soudaine fin 1917, alors en heurt constant avec le premier lord de l'amirauté et de sa politique des convois, Sir Eric Gedde. Son idée, relayée par sir Roger Keyes, commandant le port de Douvres, fut acceptée sur le principe et préparée dans le plus grand secret. L'obstruction de la voie d'accés de Bruges à la mer avait étée émise dès 1915 par l'amiral Bacon, limogé depuis. Ce dernier n'envisageait pas une opération commando mais un raid de monitors sur les écluses. Le plan fut rejeté par l'amirauté. Redéfini par Keyes, l'opération mettait en oeuvre trois vieux croiseurs réformés, utilisés comme "bouchons" d'obstruction et remplis de béton (HMS Thetis, Iphigenia et Intrepid), un croiseur plus "récent", le Vindictive, destiné à débarquer et soutenir des troupes de marine faisant diversion, et deux solides ferries de Douvres, Iris et Daffodil.

Les trois unités furent entièrement rééquipées en vue de l'assaut, par une nuit sans lune, soutenu par le feu de quelques monitors. On les dota de tours blindées, avec des mitrailleuses, des sacs de sable et des plaques de tôle additionnelle protégeant les postes de tir et la passerelle. Un équipage réduit à quelques hommes s'embarquait sur les trois vieux croiseurs, préparés pour leur sabordage rapide, le Vindictive devant porter l'assaut sur le môle. Enfin, le viaduc et sa voie ferrée reliant le môle (long de près de deux kilomètres et large de 73 m, protégé par un immense parapet côté mer), devait être détruit par deux submersibles réformés, les C1 et C3, qui devaient venir s'encastrer sous ses piles. Ceci devait ajouter à la confusion et empêcher les renforts. Toute cette diversion du Môle devait en principe permettre aux trois croiseurs de gagner sous le feu ennemi leurs positions de sabordage respectives, les hommes étant évacués par des vedettes. En face, la garnison Allemande de Zeebruge comptait près de 1000 hommes, y compris les servants des grosses pièces côtières.

Une attention toute particulière fut accordée au Vindictive. Du fait de la hauteur du parapet à prendre d'assaut ( 9 mètres ) il n'était pas question d'utiliser son artillerie normale. On renforca donc sa hune blindée, dotée de pièces rapides et le pont fut équipé de 14 passerelles. Au total il embarquait un arsenal composé de trois Howitzer, 16 mortiers, 10 lance-grenades, et des lance-grappins, ces derniers pour s'agripper au môle pendant que les Royal Marines l'escaladeraient avec les passerelles, les cordes et les échelles, le Daffodil devant plaquer le croiseur contre le môle pour plus de sûreté. Les périls sont innombrables mais l'enthousiasme devant l'audace de l'opération soulève plus d'une objection. L'opération est repoussée deux fois en raison d'une mauvaise météo. Enfin, le 22 avril au matin, une flottille hétéroclite comptant pas moins de de 157 navires et embarcations quitta le port du Swin. Celle-ci comprenait, outre les navires de l'assaut escortés par de nombreuses vedettes (74), 8 monitors, 8 croiseurs légers et pas moins de 45 destroyers et torpilleurs. Les effectifs de Royal Marines comprenait alors 690 hommes répartis entre les trois navires d'assaut du môle. Deux autres bloqueurs étaient prévus pour Ostende.

Après 7 heures de traversée, le commandant Keyes envoya à la flotte le signa du début des opérations ("saint georges pour l'Angleterre"). Vers 11 heures, les vedettes commencèrent à déplier un écran de fumée pour protéger les cibles tentantes que constituaient les 6 navires détachés, mais le vent devint soudain contraire. Et alors que les trois navires d'assaut (Le Vindictive et les deux Ferries) ne se trouvaient plus qu'à 300 mètres du môle, des fusées éclairantes Allemandes, suite au bombardement des monitors (inefficace) sur les positions supposées des batteries, furent tirées, éclairant superbement les trois navires Anglais qui approchaient au pas. Aussitôt ils furent accueillis par un feu d'enfer, et leurs ponts balayés sous une grêle d'obus. Malgré cela, ils continuèrent leur approche jusqu'à leurs positions supposées (car il se trouvèrent dans la confusion et la fumée, à plus de 160 mètres de leurs positions prévues, vers le milieu du môle.). Dévasté, ses passerelles arrachées, le Vindictive parvint donc à accoster et les Royal marines de se déployer sous le feu des mitrailleuses, jetant leurs grappins et leurs échelles sur le haut parapet de béton.

L'assaut, faute du soutien des armes du croiseurs, détruites par le feu Allemand, tourne court; Les hommes qui arrivent en haut des échelles et des passerelles sont systématiquement abattus par les nids de mitrailleuses et les tireurs postés sur les toits des hangars du môle. Le feu roulant des armes légères va durer près d'une heure. Pendant ce temps, l'Iris ne parvint pas à accoster au môle, et son commandant décida de s'amarrer derrière le Vindictive pour y transférer ses hommes lorsque vers une heure du matin, l'ordre de repli fut décidé. Le 4e bataillon avait tenté de prendre les batteries au pied du phare, au bout du môle, n'y parvint jamais: Les hommes étaient fauchés soit au sommet du parapet, soit en en descendant sous le feu ennemi, soit en courant face à la véritable tranchée érigée par les Allemands et sous le feu roulant d'un destroyer à quai, ralentis par des caisses et barbelés.

Par contre le viaduc, à l'autre bout, fut effectivement détruit par le C3. Le C1, trop retardé, fit demi-tour. Faute de neutraliser les pièces, après le retrait du croiseur, les trois bloqueurs furent à leur tour pris sous un feu mortel et le premier, le Thetis, prématurément sabordé, sans atteindre leur position voulue. Il avait en effet été pris dans les filets antitorpilles qu'il avait emporté avec lui mais entortillé ses hélices. Il avait dérivé sur un banc de sable avant de se voir immobilisé provisoirement. Son commandant réussit à le faire saborder à l'entrée du chenal vers l'écluse.


Le Raid de Zeebruge sur carte. (image wikipedia ldd)

Si l'assault sanglant de la grande digue fut surtout une diversion, le blocage imparfait des trois vieux croiseurs ne fut pas longtemps une gêne pour la sortie des unités légères Allemandes. L'opération fut donc surtout un échec déguisé en victoire pour des raisons de propagande...

Les deux autres passèrent au travers de la brêche créé par le Thétis et furent relativement épargnés par les tirs Allemands, divertis par les nombreuses vedettes qui tournaient à toute allure dans la rade et évacuait les hommes. Arrivés à leurs positions aparemment prévues, ils obstruaient bien le passage entre la rade et l'écluse, plus étroit, mais encore loin de ces dernières, et dans une position qui les rendaient contournables par des unités légères. De leur côté, l'Iris, puis le Vindictive et le Daffodil quittèrent la jetée sous un rideau de fumée épais qui les sauva d'une destruction certaine.

Au final, les trois navires d'assaut, criblés de éclats, dévastés et couverts de cadavres et de blessés, rentrèrent à Douvres sous les hourras de la foule. Les croiseurs de blocage avaient échoué à stopper les sorties depuis Bruges, n'occasionnant qu'une gêne de quelques jours, et l'opération su Ostende avait étée un échec cuisant: Les Allemands avaient simplement déplacés la bouée d'Ostende, tous feux éteints, de 2400 mètres, et les navires bloqueurs étaient venus s'échouer dans les dunes... Le 10 mai on tentera une nouvelle opération contre Ostende, avec le Vindictive comme bloqueur. Mais l'opération fut également un sanglant échec.

Au final, trois jours après l'opération de Zeebruges, le draguage autour des croiseurs sabordés permit aux torpilleurs de taverser le chenal et de gagner la haute mer. Quand aux submersibles côtiers, ils ne furent contraint qu'à quelques manoeuvres pour passer le chenal, dès le landemain de l'attaque Anglaise. Toutefois la presse Anglaise fit de ce raid un succés, habilement exploité par la propagande. On décerna pas moins de huit Victoria Cross aux commandos, du jamais vu pour une opération d'une heure seulement. Au final, ce sont les Allemands eux-même qui, en évacuant la zone, bloquèrent pour deux ans et demi et totalement, le canal.

Le sabordage de la Hochseflotte (23 avril 1918).

La Hochseeflotte en route vers Scapa Flow (Photo Wikipedia LDD)

La guerre s'achevait en novembre 1918 alors que la marine Allemande de haute mer (la Hochseeflotte) n'avait pas réussi à emporter les décisions face à la Royal Navy. Les ubmersibles s'étaient révélés bien plus efficaces que les orgueilleuses escadres de cuirassés et croiseurs de batailles déployés durant la guerre. La bataille du Jutland s'était achevées sur un goût d'inachevé. En fait, les navires de ligne Allemands n'eurent plus, en dehors de la baltique, d'occasion d'effectuer une sortie en masse en mer du nord. Pourtant en 1918, de nouveaux croiseurs étaient venus remplacer les effectifs coulés en 1914, deux nouveaux Dreadnoughts cette fois à la hauteur des cuirassés Anglais (Bayern), et le Hindenburg, croiseur de bataille si bien protégé qu'il passa plus tard comme l'un des premiers "cuirassés rapides".

Mais ces instruments restèrent prudemment cantonnés dans leurs bases et les rares sorties de "provocation" à l'égard de la marine Anglaise tournèrent court. De ce fait, cette formidable flotte, la plus puissante qu'ai jamais possédée l'Allemagne de son histoire, restait un problème pour les alliés. Après discussion, une petite partie de ses effectifs furent ventilés en dommages de guerre (dont ces U-Bootes abhorrés, que les alliés étudièrent en détail). Quand au gros effectifs de la Hochseeflotte, dont ses bâtiments les plus récents, l'article XXIII du traité stipula finalement que ceux-ci ne devaient pas être directement "saisis" par les Britanniques, mas ventilés entre des ports neutres d'internement. Et il s'agissait quand même de deux escadres de ligne composées des dreadnougts les plus récents, 5 croiseurs de bataille, 8 croiseurs et 45 destroyers.

A ce moment cependant, la flotte, sous le commandement du vice-amiral Von Reuter, est depuis près d'un an gangrenée par des éléments Bolchéviques qui attendent leur heure. Lorsque les officiers débarquèrent, la Hochseeflotte était, de facto, mutinée, des drapeaux rouges montant à la pomme des mâts... Les négociations des officiers avec les comités de mutins qui s'ensuivirent n'eurent pas d'autre but que de faire accepter - à contrecoeur - les termes du traité. Le retour des officiers, dicté également par la nécéssité, se heurta bientôt à une nouvelle brutale émanant de l'amirauté Britannique: Toute la flotte devait être internée à Scapa Flow pour que la commission de désarmement puisse vérifier son bon déroulement. Le 19 novembre 1918 à l'aube, la flotte pousse ses feux, relève ancres et amarres. Chez les anglais, c'est la fébrilité: Pour la première fois en 4 ans, toute la flotte Allemande est à leur merci. La Royal Navy mobilise ses plus importants effectifs de la guerre pour l'opération ZZ. Il s'agit d'escorter la Hochseeflotte jusqu'en Ecosse, dans le Firth of Forth. Von Reuter espère encore qu'après l'inspection, ses navires pourront gagner leurs ports d'internement.

A la veille du départ, les discussions von bon train: Les officiers sont priés d'éviter les provocations, ou d'encadrer trop directement les équipages: Officiellement tous, jusqu'au plus gradés, sont de simples "conseillers techniques" des commissaires des soviets de marins embarqués. Ces denriers veulent que le pavillon rouge reste à la tête des mâts pendant toute la travsersée, mais Von Reuter et les officiers arrivent à convaincre les équipage de dresser le drapeau standard de la marine: Les mutins n'ayant pour l'amirauté Britannique aucune légitimité, il fallait s'attendre à ce que la Royal Navy considère les navires Allemands comme des "pirates", les traitant comme tels... A 14 heures, l'escadre, encore peu encadrée, fait route vers la mer du Nord et l'écosse. Passant près de Héligoland, elle perd un torpilleur, victime d'une mine oubliée. Le 21, une armada de 370 navires alliés arrivent à sa rencontre et l'escortent comme prévu. Le gros de cette armada est composé de bâtiments de ligne de la Royal Navy, aux postes de combat: On craint en effet à tout moment que les officiers Allemands et leurs équipages tentent une dernière action. Pourtant la flotte avance à 11 noeuds seulement, et ses navires manquent d'entretien et son mal manoeuvrés.

En fin d'après-midi l'amiral Beatty ordonna à Von Reuters de descendre les pavillons, définitivement, d'éviter des contacts entre les navires, par TSF, projecteurs ou chaloupes, sous peine de destruction immédiate. Le 22, toute la flotte prend position et jette l'ancre dans une des baies du Firth of Forth, et l'inspection commence, sans hâte. Les quelques contacts des soviets de marins Allemands avec les marines Britanniques restent sans échos. Mais informé des mauvaises conditions météo à venir, il est décidé de conduire toute la flotte dans l'immense rade glaciale et désolée de Scapa Flow, le "saint des saint" de la plus puissante marine au monde. Là, la Hochseeflotte se prépare à des mois d'inaction. On prévoit dévacuer une bonne partie des équipages vers l'Allemagne et par mesure de sécurité, une escadre Britannique mouille à portée de tir. Pour les marins restants, leurs navires deviennent alors des prisons glaciales, car l'hiver est déjà là. Leurs approvisionnements viennent de Wilhelmshaven, les Anglais refusant tout contact avec la terre. Le désoeuvrement guette, et pire, les nouvelles venues d'Allemagne (insurrection de Berlin, mort de Rosa Luxemburg et Karl Liebnecht) provoquent le remplacement les plus modérés par des milices spartakistes.

Von Reuter, à son retour d'Allemagne, prend la mesure du péril et, en étroite collaboration avec l'amiral Anglais présent réussit, grâce notamment à l'intervention d'un destroyer Anglais aux postes de combat, à faire évacuer les éléments les plus virulents du cuirassés Friedrich der Grösse, en février. Peu à peu, d'autres éléments extrémistes sont priés de quitter le bord et repartent pour l'Allemagne. Le vice-amiral Allemand est en train de reprendre la main sur sa flotte. Son plan prévu depuis l'origine est de saborder la flotte. Le 17 juin, il sent que ses oficiers sont prêts et il leur fait distribuer dans le plus grand secret les ordres de sabordage. Pendant ce temps, à Berlin, les négociations continuaient quand au devenir de la flotte, les Allemands espérant s'en servir de monnaie d'échange contre une région occupée. Comme il est hors de question de mener un combat contre la Royal Navy avec ses équipages amputés, il n'a d'autre choix que de préparer les navires avec des charges et mettre des hommes sûrs à poste aux vannes de purges. Il apprend par le Times, le 20, que la Britanniques ont adressé un ultimatum de 5 jours pour l'acceptation des termes du traité de Versailles aux Allemands, et Von Reuter pense que le gouvernement refusera cette nouvelle humiliation et relancera les hostilités dès le surlandemain.

Le 21, comme pour confirmer ses soupçons, l'escadre Britannique lève l'ancre. à 10 heures, il lance donc l'ordre de sabordage, en hissant le signal convenu, lequel qui est éxécuté méthodiquement et sans heurts. Les unes après les autres les grandes carcasses grises se penchent et coulent sur les hautes fonds, et des chaloupes sont mises à l'eau. Lorsque les Britanniques réalisent vers midi l'étendue du désastre, la stupéfaction le dispute souvant à la colère, et les marins de quelques chalutiers armés ouvriront le feu, les dernières victimes de la guerre. Les marins devenaient de fait prisonniers de guerre, et à leur retour en Allemagne en 1920, ils seront fêtés pour leur action d'éclat. En compensation de cette perte de plus de 50 unités majeures Allemandes, les Britanniques se "paieront" avec 5 croiseurs légers modernes encore en métropole, distribués aux alliés. Le ferraillage de démarra que lentement au cours des années 20 à 30. En Juillet 1930, le renflouement du Hindenburg, croiseur de bataille qui annonçait les cuirassés rapides modernes tant sa protection et son avance technique étaient considérables, donna lieu à un examen approfondi d'une commission d'experts et d'ingéneurs de la Royal Navy, le Royal Corps of Naval Constructors. Toutefois cette disparition de ce qui avait été l'orgueil et le gouffre financier du IIe reich signa aussi la fin de la marine Allemande en tant que puissance navale de premier plan. En 1939, la Kriegsmarine, uniquement constituée d'unités modernes consenties du bout des lèvres par le traité de Versailles amendé par l'accord naval Anglo-Allemand de 1936, n'en était qu'une pâle évocation...


Le SMS Derfflinger après son sabordage (img wiki ldd).