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La traque de l'amiral Souchon ( 3-8 août 1914 )

Le 2 août 1914, la déclaration de guerre prenait au dépourvu toutes les unités Allemandes stationnées hors de la métropole. Le croiseur de bataille Goeben et le croiseur léger Breslau, pour leur part, formaient l'escadre de méditerranée, stationnée habituellement à Port Saïd, le débouché en mer rouge du canal de Suez. Toutefois le Goeben avait eu depuis ses essais en 1912 quelques déboires avec ses tubes de chaudières. Il ne pouvait plus atteindre que 18 noeuds pour raisons de sécurité et devait être remplacé en octobre 1914 par sister-ship Moltke afin de rentrer en Allemagne pour de plus amples modifications. Jusqu'ici son rôle en temps de paix avait été d'escorter le Kaiser lorsque ce dernier descendait sur son yacht, le Hohenzollern dans sa résidence d'été à Corfou. Juste après l'attentat de Sarajevo, le Goeben se trouvait à Pola pour se schaudières et le Breslau à Durazzo ( Autriche-Hongrie, au sud du Monténégro. Tuant le temps, les matelots du Breslau disputaient une cordiale partie de water-polo avec les hommes du cuirassé King Edward VII mouillé juste à côté... C'est alors que le message fatidique tomba par TSF. La déclaration de guerre était imminente. Le contre-amiral Wilhelm Souchon était penché sur une grande carte de la méditerranée. Plusieurs options s'offrait à lui, nonobstant les ordres qui pouvaient venir de Tirpitz: Il y avait une certitude: S'il restait à Pola, il se trouverait enfermé en adriatique et probablement soumis aux décisions de l'amirauté Austro-hongroise, jugée timorée.

Il pouvait tenter de rallier la Hochseeflotte, mais cela nécéssitait de devoir traverser l'ouest de la méditerranée, et surtout passer devant Gibraltar où la Royal Navy pourrait ne pas le laisser passer, sans parler de la flotte Française, dont l'essentiel des effectifs se trouvaient "à portée de fusil" à Toulon et sur toute la côte Nord-Africaine. Souchon pouvait jouer son va-tout en pensant passer inaperçu, et en rusant, arborant un pavillon Russe par exemple. De plus, une fois sorti sur l'Atlantique, lui fallait-il encore rejoindre la mère patrie en passant soit par le cercle arctique et contournant la Grande-Bretagne par le nord-ouest, ce qui le mettait également "à portée de fusil" de Scapa Flow. Il pouvait aussi renoncer à rejoindre la Hochseeflotte et tenter une guerre au commerce dans tout l'Atlantique, quitte à rejoindre ensuite Von Spee par le sud... Le 2 août, l'Allemagne risquait d'être en guerre contre la France incessamment, pas encore contre l'Angleterre. Il allait donc pragmatiquement décider dans un premier temps d'attaquer les convois Français d'Afrique du Nord. C'est ainsi qu'il appareilla après avoir achevé à la hâte ses préparatifs et à moitié charbonné, pour l'Algérie, à minuit. Sortant de l'adriatique, il fut rejoint par le Breslau.

Le 3 août, Souchon faisait route avec ses deux bâtiments vers Bonifacio, puis changea de cap, à 20 noeuds, pour la côte Algérienne. L'amiral Français Augustin Boué de Lapeyrière, qui commandant les Forces navales Françaises en méditerranée, était au courant du départ des navires Allemands. Il n'avait qu'une obsession, leur barrer la route, protéger ses convois. Il fit appareiller ses forces de Toulon en trois ligne, en direction de philippeville, Bône et Bougie. Au total 89 navires transportant 49 000 hommes et 11 800 chevaux. A 18h45, un nouveau message tombait à l'état-major: La guerre était cette fois officiellement déclarée; Mais Lapeyrère n'en fut pas informé. L'amiral Anglais Milne le savait, mais il n'y avait pas de code de communication entre Français et Anglais... Toujours est-il que Milne fit envoyer l'amiral Troubridge en adriatique avec deux croiseurs-cuirassés tandis que lui-même gagnait Malte et hissait sa marque sur l'HMS Inflexible. il recevait à 12h45 de Churchill l'ordre de suivre les deux navires Allemands. Pendant ce temps, ces derniers avaient forcé l'allure. Contrairement à ce que craignait Boué de lapeyrière, dont les bâtiments n'avaient ni la portée ni la vitesse pour intercepter les navires Allemands, l'intégralité des convois passèrent sans encombre. Mais Souchon également passa inaperçu...

Le 3 août au soir, à 20h30, Milne fit envoyer l'Indefatigable et l'Indomitable à Gibraltar. La nuit du 4 août, à 5 heures du matin, Souchon était devant Philippeville, passé au travers des mailles du filet. Ses canonniers s'en donnèrent à coeur joie et le Goeben pilonna la rade, une heure après le Breslau qui s'était séparé du Goeben au soir, et avait gagné Bône pour faire croire qu'ils se déplaçaient vers l'ouest. Le Goeben reçut entre-temps un message TSF urgent de Berlin capital pour la suite: "Alliance conclue avec la Turquie, stop. Gagnez constantinople, stop." Il mit d'abord le cap au nord-ouest pour tromper les observateurs de la côte. Il était passé au travers de la flotte française, mais la Royal Navy était sur le qui-vive, et il devait retraverser toute la méditerranée en sens inverse ! La route étant longue, il transmit ses ordres au Breslau puis mit le cap sur Messine pour achever son charbonnage. Le Breslau de son côté fit directement cap à l'est. Au nord du Goeben, se trouvait au même moment à 100 kilomètres, la 1ere escadre Française. Quand aux croiseurs de bataille Anglais venant de l'est, ils faisaient route à pleine vitesse, accompagné par le croiseur léger HMS Dublin. Le Goeben vira de bord vers l'est à 6h30. A ce moment, la 1ere escadre Française qui le cherchait croyait sur la foi des observations depuis la côte que le croiseur de bataille ralliait Alger. Lapeyrère divisa ses forces en deux ailes, mettant cap à l'ouest avec le gros des cuirassés, tandis que son aile gauche continuait sa route au sud-est avec trois croiseurs-cuirassés dont le Jules Michelet, l'Ernest Renan et l'Edgar Quinet. A 8h00 du matin, le temps était éxécrable et la visibilité réduite, et les navires Français n'étaient qu'à 40 milles - 74 km - du Goeben... Ce dernier finit par les apercevoir, mais ce ne fut pas réciproque.

Quand aux croiseurs de bataille Anglais, ils aperçurent le bâtiment Allemand qui filait vers l'est et changèrent de cap pour le poursuivre. Le Goeben au prix de tous les enfers fit marcher ses machines au point de pouvoir atteindre 24,5 noeuds, et progressivement semer les navires Anglais qui se rapprochèrent jusqu'à 9000 mètres, sans tirer, l'Angleterre n'était pas encore officiellement en guerre, mais Milne ne parvint pas à contacter son homologue Français. Seul le Dublin suivit le Goeben jusqu'à la hauteur de la sicile, puis vira de cap à 21h50. Les deux croiseurs de bataille Anglais avaient eux renoncé dès 19h05. La gande-bretagne était officiellement en guerre depuis 21h00, mais le Dublin risquait d'être à court de combustible et ne pouvait de toute façon pas affronter le croiseur de bataille. Le Breslau était arrivé à messine bien avant le Goeben. Le contre-amiral Souchon s'offusqua de voir que depuis lors, il n'avait toujours pas commençé à charbonner. Le commandant Kettner du Breslau affirma alors que les Italiens lui avaient refusé catégoriquement de puiser dans leurs réserves, neutralité oblige. Souchon fit alors réquisitionner d'autorité tous les vapeurs Allemands présents dans la rade, et mit en demeure les capitaines de lui confier leurs stocks de charbon, qui furent acheminés péniblement soit par des manoeuvres à couple, par l'intermédiaire de barges, de chaloupes, à dos d'homme et à force de bras... A l'aube, l'opération était toujours en cours. Tous les matelots étaient à la tâche. Peu avaient dormi depuis 48 heures. Ce transbordement de combustible pour rassasier l'ogre d'acier prit 36 heures au total, bien au-delà des 24 heures réglementaires de présence de navires belligérants dans un port neutre, ce qui soulèvera des protestations officielles de l'ambassadeur Italien à Berlin. Les autorités du port signalèrent dès le matin au gouvernement la présence dans le port des deux bâtiments Allemands, et ce n'est qu'à 18 heures, le 5 août, que l'ambassadeur d'Italie à Londres en informa l'attaché naval.

A l'aube du 6 août, le laborieux charbonnage avait pris fin. Tandis que beaucoup de matelots, épuisés, s'effondraient dans les coursives, Souchon, les traits tirés, réunit Kettner et Dönitz (le futur amiral de la Kriegsmarine était alors simple lieutenant de vaisseau sur le Breslau) pour décider de la marche à suivre. Il se doutait que les Anglais, qui restaient sagement hors des eaux territoriales Italiennes, les attendaient. Les ordres de Berlin étaient de rejoindre Constantinople et d'éviter l'affrontement. Mais Souchon ne voyait pas comment l'éviter. A 17 heures, les deux bâtiments levaient l'ancre et se dirigeaient vers la jetée, puis prirent le large. Il furent d'abord suivis à distance raisonnable (hors de portée des 280 mm du Goeben) par le HMS Gloucester. Ce dernier câbla: "They come !". Encore une fois, Souchon fit faire marche à plein régime. Le Gloucester s'accrocha, sachant que l'amiral Troubridge venait de l'est avec le HMS Defence, 3 autres croiseurs-cuirassés et 8 destroyers, mais il arriva trop tard pour intercepter les navires Allemands. Il finit par comprendre que la destination finale de Souchon était vraisemblablement la Turquie, et vira de cap, recommença la poursuite. Mais c'est le Dublin qui reprit contact le premier. La poursuite continuait, les navires Allemands arrivaient à hauteur de Malte. Deux destroyers et le HMS Gloucester surgirent. Les destroyers tentèrent de lancer leurs torpilles, mais furent accueillis par des salves précises et s'éloignèrent. Le Goucester commandé par le commandant Kelly, engagea le combat avec le Breslau. A 11 300 mètres, à 12h35, il ouvrit le feu. Le Breslau avait déjà demandé par projecteur en morse à Souchon s'il pouvait attaquer le croiseur Anglais, mais Souchon refusa, préférant ne pas perdre de temps. Lorsque le croiseur Allemand encaissa un obus de 150 mm, il répliqua, mettant deux coups au but sur le Gloucester. Celui-ci préparait sa salve suivante, mais les veilleurs aperçurent le Goeben qui s'était rapproché du Breslau, le mettant à portée de tir... Kelly décida donc de s'éloigner prudemment. Désormais plus rien ne pouvait barrer la route de l'escadre de méditerranée.

Les deux bâtiments mouillèrent le 7 dans la baie de l'île Denusa, à l'entrée des Dardanelles, attendant des instructions ou l'autorisation de Berlin. Les deux bâtiments étaient sur le qui-vive, en attente d'une éventuel combat contre la Royal Navy. Mais rien ne survint. Le 10 août, Berlin autorisa Souchon à mettre le cap à l'entrée du détroit. Un torpilleur Turc approcha. Au projecteur, le Goeben lui signala en morse "je cherche un pilote". Le capitaine du torpilleur turc lui répondit "suivez-moi". Les deux bâtiments levèrent l'ancre et traversèrent les filets, les mines, sous les gros canons des forts et batteries embusquées le long des hautes falaises. Les turcs avaient une piètre marine, mais ils avaient fortifié les Dardanelles de façon à rendre le seul accés à Constantinople et à la mer noire inexpugnable. mais les Anglais ne renoncèrent pas: Le seul bâtiment disponible localement, le croiseur Weymouth, fit irruption à l'entrée des Dardanelles, bien décidé à suivre les navires Allemands, mais les Turcs, quoique officiellement neutres, lui barrèrent la route avec plusieurs torpilleurs. Au soir du 10 août, les deux navires Allemands mouillaient à Constantinople. Berlin pour montrer sa bonne volonté à la sublime porte, "offrit" l'escadre Allemande au gouvernement Turc. On troquait le pavillon à croix germanique contre un pourpre à croissant, et Souchon, coiffé du chéchieh, était nommé par le Sultan "commandant en chef de la marine Ottomane"... C'était le début de la "triple alliance", et l'ouverture d'un troisième front au moyen-Orient...

 

 


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